La guerre : cette drogue qui abrutit les foules [par Jean-Marc Majeau]

Nous sommes de nouveau en guerre ! Cette fois ce n’est plus contre un virus ! Non, le virus continue de circuler, les hôpitaux sont pleins, les lits sont toujours fermés et les opérations décalées. Non : ce qui a changé, ce sont les intervenants sur les plateaux de télévision. Nous avions les professeurs de médecine, les experts en virologie, les pro et les anti Raoult, ceux qui nous expliquaient les intubés, l’angoisse des familles, la souffrance psychologique, le désespoir humain, tous ces vendeurs de larmes, de médicaments et de vaccins. Les caméras des entrées des Urgences, celles à l’intérieur des services médicaux, celles des terrasses vides où l’on consommait assis et les conteurs de “la plus grande catastrophe infectieuse de tous les temps”. Pour éviter la “presque fin du monde”, les pupitres accueillaient les oracles politiques, les prédicateurs et les bonimenteurs de foire, les rois du tout et de son contraire.

L’objectif était de faire patienter un peuple, lentement perfusé par les discours anxiogènes permanents. Patienter jusqu’à une date fatidique connue de tous depuis plusieurs mois : celle du grand spectacle de la campagne présidentielle. Ce jour-là, tout devait disparaître comme par enchantement : plus de morts, plus de virus, plus de tests PCR, plus de masques : La victoire ! Et ouvrir la voie à une autre indigestion, changeant en un instant, d’un paradigme au suivant, d’une hystérie à une autre. Avec, pour démarrer, un suspense Hitchcockien. La question primordiale : “quand est-ce que Macron se déclarera candidat ?” La pièce était mauvaise. Le synopsis désuet. L’intrigue inexistante. Mais ça occupait l’espace, évitant d’aborder les questions sur le pouvoir d’achat, la déliquescence du système de santé et la perte de crédibilité de la “politique” en général. On préparait ses arguments et son arsenal d’armes lourdes, allant du chien Douglas à Jean Michel Trogneux…

Et là : Hallelujah ! Poutine est arrivé ! On s’y attendait un peu, mais moins bruyant quand même ! Il devait juste montrer ses muscles et aider notre jeune président à endosser le costume rédempteur de prix Nobel de la paix ! Déjà, en voyant la taille de la table en marbre on aurait dû se méfier ! En consultant, par exemple, l’histoire semi-récente, celle de la guerre froide ou de l’annexion de la Crimée. Mais nos stratèges ont préféré miser sur les effets de manche… Et sur l’idée que le Russie n’était plus une puissance à craindre.

Les Ukrainiens sont un prétexte

Le seul petit bémol, c’est que ni la France, ni l’Europe n’ont jamais fait peur à personne. Alors Poutine a dégainé et s’est jeté sur un territoire dont il considère qu’il est le sien, par un raisonnement simpliste qui voudrait qu’il existât des “citoyens de souche” et d’autres qui ne le sont pas… Dès lors, le grand barnum télévisuel a immédiatement repris de la vigueur. Le Conseil de défense renaquit de ses cendres. Sur les plateaux, les médailles ont remplacé les stéthoscopes. Cohn Bendit s’est transformé en BHL ! On pleure les civils, pourtant vaccinés, mais victimes de l’ogre stalinien, et pourquoi pas communiste ? On filme à qui mieux mieux, pour bientôt, à 20 h, tous applaudir l’Ukraine !

Et bien, voyez-vous, mes chers amis, voici le fond de ma pensée : les Ukrainiens sont un prétexte. Leur sort, finalement, on s’en contrefout ! Comme de celui des Afghanes, des Ouïghours, des Érythréens qui crèvent de faim, ou celui des Syriens qui s’étouffent de bombes chimiques. Depuis 2014, la guerre du Donbass a fait des milliers de morts et des millions de déportés. Des civils ont été torturés, par les Russes et par les Ukrainiens. Dans l’indifférence générale ! Les mêmes spécialistes qui annonçaient des milliards de morts de la Covid, agitent maintenant le spectre d’une guerre nucléaire ! Sauf extraordinaire, personne ne s’en servira ! Encore moins un spécialiste de la guerre froide ! Dans la grande naïveté qui nous caractérise, on feint de croire que les Européens vont libérer l’Ukraine ! Avec quoi ? Avec 400 millions d’euros et 700 hommes armés ? Autant y aller avec des fléchettes !

L’avenir est beaucoup plus simple. Poutine va prendre ce qu’il veut au Sud-Est de son pays. Le gazoduc Nord Stream 2 se construira, Fillon retournera serrer la main de Vladimir et les Ukrainiens continueront de mourir. Sans caméra et en silence ! Tout au plus, l’Europe s’imaginera unie, solidaire et puissante. Pour une fois ! Orwell en écrivait en 1950 : “Peu importe que la guerre soit réellement déclarée, peu importe qu’elle soit victorieuse ou pas. Tout ce qui est nécessaire, c’est que la guerre existe”

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