La fin des plastiques approche [par Yann Kerveno]
Il semble loin le temps où l’on pouvait chanter “le plastique c’est fantastique” ! Les stations de conditionnement de fruits et légumes vont devoir faire sans, dès le 1er janvier.
Il y a de l’incompréhension, c’est évident. Quand on lui demande ce qu’il pense de ce nouveau règlement sur l’utilisation des plastiques d’emballage, Bruno Vila ne peut s’empêcher de se demander : pourquoi nous ? La loi remonte à 2019, c’est Brune Poirson qui est alors ministre de l’Environnement, et elle concerne toutes les unités de consommation inférieures à 1,5 kg. À l’exception de la quatrième gamme. Tollé. Ça négocie, la routine, l’application de la décision sera étalée sur 5 ans, en fonction de la fragilité du produit. Plus le produit est fragile, plus l’emballage garantit sa qualité, plus les stations auront le temps de s’adapter. Les premières concernées seront les tomates grappe et en vrac, dès le premier janvier prochain. Puis viendra le tour des tomates cerises, etc.
“Franchement, nous n’avons pas trop compris ce qui se passait” se souvient Bruno Vila. “Nous représentons 1,5 % de la consommation des emballages plastiques, 70 % de nos produits sont vendus en vrac et l’emballage ne sert qu’à quelques catégories de produits. Difficile d’y voir autre chose qu’un coup de communication du gouvernement…” Une communication sur le dos des producteurs pour un produit dénoncé : le concombre sous plastique. “Nous sommes pour nous passer du plastique, c’est ce que nous faisons d’ailleurs depuis des années, la grande majorité des produits sont emballés dans du carton et juste enveloppés d’un « flow pack ».”
Infrastructures remises en question
Quand on regarde du côté des solutions, elles ne sont pas nombreuses et coûtent plus cher. Bruno Vila résume la situation. “On peut chercher du côté des films biosourcés qui ne contiennent pas de plastique et sont biodégradables ou compostables. Mais ce ne sont pas des produits qui sont encore couramment utilisés dans la filière et ils coûtent trois fois plus cher.” Le coût du produit est une chose, mais il faut aussi regarder du côté des équipements. “Dans nos stations, toutes nos lignes de conditionnement ont été conçues pour le flow pack, il nous faudra donc réinvestir pour adapter ou changer les machines d’emballage. Si les entreprises passent au tout carton, ce sont d’autres problématiques qui surgissent, celles liées au stockage parce que c’est volumineux.” Il s’interroge aussi sur la capacité des fournisseurs d’emballage de suivre le rythme et d’être en mesure de fournir la demande qui va réclamer d’un seul coup des millions d’emballages.
Maigre consolation
Il n’y a pas que les emballages d’ailleurs qui sont concernés, les liens aussi, les élastiques qui permettent de faire des bottes de radis, oignons, artichauts, carottes… “Et là, pour l’instant, on n’a pas de solution sans plastique.” Seule maigre consolation, la mesure s’applique à l’étal et non en station. Ce qui veut dire que les produits d’importation devront se soumettre aux mêmes règles. “Mais nous avons quand même des doutes sur l’impact que ces changements pourront avoir. Pour les petites tomates, ce sont souvent des achats plaisirs, qui se déclenchent parce que les consommateurs voient le produit. Si on les emballe dans un carton fermé…”
Le plastique était aussi le moyen de montrer facilement les signes de qualité au consommateur. “Pour moi, cela ne relève donc que de la communication, rien n’a été pensé dans ce dossier, rien n’a été anticipé, on nous impose cette réglementation sans avoir regardé quelles pourraient en être les conséquences alors que nous ne sommes pas, et de loin, les plus gros consommateurs de plastiques ! Dans un contexte d’augmentation des prix de tous nos intrants, c’est très inquiétant parce que nous ne sommes pas capables d’intégrer ces coûts à nos prix de vente.”
Le calendrierTous les fruits et légumes sont concernés (hors quatrième gamme) et un calendrier d’exceptions provisoires a été publié au journal officiel. |