Kiev : the place to be [par Jean-Marc Majeau]

Le “bonze” Jacques Seguela conditionnait la réussite d’une vie au fait de posséder une montre de marque. Il faut être “tendance” ! Dans les années 60, on était “dans le vent”. Il y avait la “Croisette”, les plages de Saint Tropez et les salons de l’Hôtel de Crillon. Aujourd’hui, le spectacle s’est déporté vers les vaccinodromes et, récemment, vers les villes d’Ukraine. Anne Sophie Lapix, Arthur, Bernard Henri Levy, Mathieu Kassovitz, bientôt Hanouna ? Tous se pressent sous l’œil des caméras, se transformant en reporters de guerre, résistants intrépides à un envahisseur sanguinaire. Tous en reviennent bouleversés, faisant partager leur vision de l’horreur à des millions de téléspectateurs vautrés sur leur canapé, gobant l’information comme ils respirent l’air ambiant, sans se méfier des particules toxiques que l’une et l’autre contiennent !

Pour peu que Poutine fasse durer un peu plus son plaisir destructeur, il n’est pas exclu de voir la prochaine cérémonie des Césars ou le spectacle des enfoirés à Odessa ou à Marioupol ! Finalement, ça aurait de la gueule une montée des marches en tee-shirts kakis façon Zelensky. Et je ne parle même pas du sweat à capuche du président ! Celui-là sera introuvable et uniquement réservé aux élites ! Il paraîtrait même que chaque ministre s’en verra remettre un dédicacé par son Altesse !

Jean-Marc, tu déconnes : on ne rigole pas avec ce type d’évènements et une éventuelle troisième guerre mondiale ! Serais-tu devenu complotiste ? Si j’écoute Tristan Mendès France, “spécialiste autoproclamé du complotisme”, c’est probable. Critiquer “Big Brother”, s’il n’expose pas encore, comme le craignait Orwell, à des sanctions définitives, fait immédiatement de vous un mâle blanc, homophobe, antivax, Trumpiste et antisémite d’extrême droite ! C’est comme ça ! Même si l’on ne se reconnait dans aucun de ces qualificatifs, même si l’on pense pouvoir répondre à ces invectives par un faisceau d’arguments plutôt censés, force est de constater que le message passe très mal.

Pour “montrer patte blanche”, il faut être convaincu du fait que les vaccins ont été et resteront “la solution” à la pandémie Covid, s’incliner devant le modèle démocratique qu’est devenue la France ces derniers temps, ne jamais parler ni de MacKinsey ni de Dominion et soutenir l’idée que la guerre à l’Est serait, aujourd’hui, la seule menace humanitaire de la planète, en reléguant les autres problèmes dans les questions subsidiaires.

Il me serait agréable de voir Anne Sophie, Arthur ou Bernard-Henri promener leurs émois sur des zodiacs au large de Lampedusa…

Il faut se féliciter de nos ventes d’armes à l’étranger, cautionner la Coupe du monde de football au Quatar (pays évidemment plus démocratique que la Russie), refuser d’évoquer les massacres de civils dans le golfe Arabo Persique et au Moyen Orient et, surtout, éviter de comparer l’immigration venant du Sud à celle des Ukrainiens, fermer les yeux devant les noyés de Calais ou de Lampedusa, sans se demander pourquoi, à la frontière de l’Ukraine et de la Pologne, on différencie les enfants réfugiés venant de Kiev et ceux venant de Kaboul. La question est précise : pourquoi ?

Parce que si l’on demande “comment”, c’est plus facile : tous souffrent. Mais les uns sont décharnés, la peau sombre et les joues creuses, probablement musulmans. Les autres portent encore quelques protections contre le froid, ont les yeux bleus et le profil slave et prient un Dieu beaucoup plus acceptable ! En seraient-ils devenus plus émouvants, voire plus “bankables” ? L’égalité selon Coluche : “il y en aura qui seront moins égaux que les autres !” Houlà ! Attention ! “Tu es complotiste !”

Alors, qu’on se le dise : voir ces enfants est insoutenable. Poutine est un calculateur sanguinaire doté d’une puissance inquiétante, puissance qu’il doit aussi à des armes que nous lui avons vendues. L’invasion de l’Ukraine est un acte inexcusable contre lequel la communauté internationale doit lutter. En commençant par diffuser une information juste et loyale. L’exploitation de ce conflit à des fins anxiogènes, commerciales, électoralistes ou prosélytistes doit être bannie. Or, ce n’est pas le cas. Il me serait agréable de voir Anne Sophie, Arthur ou Bernard Henri promener leurs émois sur des zodiacs au large de Lampedusa, dans la Manche ou en Syrie, voir notre président, hirsute et mal rasé, dans sa tenue de combattant, refusant de vendre des armes à Mohamed Ben Salmane et hésitant à lui serrer cordialement la main. Parce que la mort et la torture ne sont pas différentes selon les pays et les ethnies qui en sont victimes. Peut-être que Shahnourh Aznavourian, dit Aznavour, (un arménien issu d’un peuple dont le massacre par la Turquie n’a bénéficié d’aucune véritable reconnaissance internationale…) avait raison : la misère doit être moins pénible au soleil !

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