Quand les touristes partent, les politiques arrivent ! [par Jean-Marc Majeau]

Lorsque j’étais enfant, le mois de septembre m’enchantait. Il était celui de l’éternel recommencement, des projets et des rêves. Celui de la rentrée, de la quête imminente de nouvelles rencontres, d’illusions passagères dont on souhaiterait qu’elles durent pour toujours. À l’heure des cigognes dans notre ciel limpide, j’imaginais cette période identique au 8e jour de la création du monde : celle de la renaissance. Alors que, comme par miracle, s’étaient évaporés en l’espace d’une nuit, les crétins en tong-chaussettes qui encombraient nos rues, emportant avec eux les odeurs mêlées de crème solaire et de sueur, les risques d’incendies et le rayon “tofu” dans les supermarchés locaux, démarrait la période idyllique de la reprise sportive et scolaire ainsi que s’annonçait celle des champignons.

Tout ceci serait resté un rêve, s’il n’avait pas surgi cette entité nouvelle : la “rentrée politique”. Ce passage imposé, où, tout frais débarqués de leurs locations d’estive, la corporation de ceux dont nos impôts entretiennent l’oisiveté et l’incompétence, vienne nous faire part de ce que l’iode marin ou l’air de la montagne a bien voulu leur inspirer quant à notre avenir, dont ils se sont octroyé définition et contenu. Ayant refait le plein de vitamine D, abandonnant les bermudas à fleurs, les jet-ski et les mojitos sur les plages privées, ils sont là, de retour, le teint halé et la démarche altière, sous les projecteurs complices de “l’information continue”. Comme des bateleurs publics, ces nouveaux saprophytes s’affairent à trouver “la formule magique”, la punchline inédite qui emportera l’adhésion unanime des millions de veaux bêlants qu’on appelle “le peuple”, abusivement considéré comme souverain de ses décisions. Dans une mise en scène immuable, réapparaissent alors tous les incapables que la période estivale avait mis en stand-by (et dont nous nous étions passés sans aucun problème depuis le mois de juin). Il n’est plus une émission, plus une matinale de radiophonie, plus un éditorial de quotidien, qui ne nous rabâche les nouveaux projets, les idées lumineuses, les dangers imminents et la route qu’il nous faudra suivre pour parvenir à les éviter. Dieu lui-même ne l’a pas inventé. Les politiques oui : c’est le 9e jour de la genèse permanente !

Voyons donc ce que ces nouveaux apôtres veulent nous proposer. Pour qu’il y ait une réflexion prolifique, il faut une table et de la nourriture. Chacun doit amener un met bien spécifique, témoignage imagé de sa doctrine intime. Du sandwich falafa des bobos écolos aux merguez de la rue du colonel Fabien, en passant par le saucisse-frite du ministre de l’Intérieur, chacun affiche de manière subtile ce qu’il veut faire entendre sans jamais en parler. Un peu comme si Rocco Siffredi ne servait que des plats à base de bananes, afin qu’aucune de ses convives ne douta de son dessein final… Cependant, en dehors de l’esbroufe, ces comiques ont-ils la moindre solution ?

Un vide presqu’abyssal

Le système éducatif est en jachère. Celui de la santé a déjà implosé. L’agriculture meurt. Le maintien de l’ordre n’est plus que répressif, quand les prisons débordent et les services publics résonnent d’un vide presqu’abyssal. Dès lors, que reste-t-il ? Le ministre Attal, tel un menteur de foire, confirmant que tous les élèves auront face à eux un enseignant à la rentrée, propose des “modules pédagogiques numériques”, encadrés par des assistants d’éducation dont il ne dit jamais où il les trouvera. Surtout s’il veut faire reprendre l’école dès la moitié du prochain mois d’août… Le ministre Rousseau écoute l’Hôpital et les professionnels de santé, promettant un accès aux soins ubiquitaire. Comme son collègue, il parie sur le numérique et la téléconsultation. Peut-être allons-nous recevoir un tensiomètre, un thermomètre, un manuel d’autopalpation des seins et un doigtier pour se prodiguer, en famille, des touchers rectaux à domicile ?

La ministre des Sports, Oudéa-Castéra a passé, quant à elle, un été pourri. Pas de victoire au Tour de France, une équipe de basket ridiculisée aux championnat du monde et, surtout, une équipe d’athlétisme, fleuron de l’olympisme, qui ne récolte qu’une seule médaille aux mondiaux de Budapest. On songerait d’ailleurs, en haut lieu, à licencier Romain Barras, préposé à la performance de la fédération, faute de résultats. Comme quoi, quelquefois, les politiques pensent qu’il faudrait virer ceux qui sont infructueux. On se demande ce qu’ils attendent pour faire pareil entre eux ! Restent les rugbymen dont Macron espère une victoire, qu’il souhaite célébrer au fin fond des vestiaires, vêtu d’un maillot bleu en avalant cul-sec des flots de Corona. Une sorte de Nelson Mandela version Canada dry ! Putain, il va être long ce 9e jour !

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *