Jus de fruit et huile de pépins de figues de barbarie sauvages : les ingrédients d’une nouvelle filière [par Thierry Masdéu]
“Le changement climatique et les risques croissants de sécheresse sont de bonnes raisons de transformer l’humble cactus en culture essentielle dans de nombreuses régions”. C’est sur ces propos de Hans Dreyer, directeur de la Division de la production végétale et de la protection des plantes de la FAO (Food and Agriculture Organisation), que débute un rapport de cette agence spécialisée de l’ONU pour l’alimentation et l’agriculture, publié le 30 novembre 2017.
Un plaidoyer pour les Opuntia et en particulier les sous-espèces Opuntia ficus-indica (figuier de Barbarie), accompagné d’un livre qui fait état, entre autres, des ressources génétiques de cette plante, de ses caractères physiologiques, etc. Même des recettes y sont divulguées afin d’optimiser les qualités culinaires de cette cactée, longtemps considérée sur notre littoral comme un arbuste envahissant ou d’ornement.
Il n’en fallait pas moins pour décider Anouk Lehideux, originaire de Lyon, à entreprendre des recherches, fonder la marque “L’épineuse” et se projeter sur la création d’un projet agro-économique autour du Nopal sauvage et de son fruit, qui ne se laisse pas si facilement cueillir… Une initiative qui s’inscrit aussi dans la lignée d’une alternative à la vigne, menée depuis 2 ans par l’association “Cerbère Cactus” et qui l’accompagne dans ce projet. “Grâce aux membres de cette association, nous avons fait la première récolte en décembre dernier avec la collecte d’une tonne de figues de barbarie sauvages. Cela a permis une production de 500 litres de pur jus de figues de barbarie fraîches que nous avons conditionnés en bouteilles en verre de 25 cl” détaille avec satisfaction Annouk, qui les commercialise à 5 € l’unité. “Et pour cette fin d’année, avec leur concours et celui du dispositif « Territoire zéro chômeur longue durée » piloté par la mairie d’Argelès-sur-Mer, nous ciblons, sur ces deux communes, une récolte totale de dix tonnes de fruits sauvages ! Cette production devrait avoisiner les 5 000 litres de pur jus qui seront aussi déclinés en Bib de deux à cinq litres pour le marché des professionnels”. Une montée en puissance nécessaire à la stabilité du projet, tout comme le soutien indispensable apporté par Frédéric Bey du domaine oléicole et arboricole de “La Mer Blanche” à Argelès-sur-Mer.
Un appel aux producteurs locaux
Cette exploitation, créée en 2014, spécialisée en arboriculture méditerranéenne bio et agroforesterie, est coutumière de la transformation de ses agrumes en jus, liqueurs et confitures. “Ce qui est intéressant avec Frédéric c’est qu’il connaissait déjà les spécificités de la figue de Barbarie, alors que d’autres laboratoires en France n’étaient pas aguerris et trouvaient cette transformation en jus beaucoup trop compliquée !” témoigne, rassurée, cette passionnée des cactées, qui mise également sur une production d’huile pure avec les pépins des figues de Barbarie.
Une première qui a débuté en ce mois de juin et qui place “L’épineuse” en sauvage et “La Mer Blanche” en bio, comme les seuls acteurs de l’Hexagone en production locale de cette huile rare, devancés par Anna-Livia Fanucchi de “Grana Mora” en Corse, pionnière en la matière. “Pour une valorisation totale du fruit, nous procédons, au cours de l’élaboration du jus, à un filtrage qui permet de séparer la pulpe des pépins. Ensuite, une fois nettoyés et séchés, ces pépins qui sont pressés délivrent une faible quantité d’huile, mais prestigieuse par ses propriétés anti-âge, régénérant, antioxydant, riche en stérols et vitamine E !” Conditionnée dans des flacons de 10 ml à 29,90 € l’unité, cette huile rare qui demande, suivant la densité de la graine, entre 30 à 50 kg de pépins pour faire un litre d’huile, est très prisée sur le marché des cosmétiques. Beauté et nutrition font du figuier de Barbarie, avec ses fruits et cladodes, une plante où tout est valorisé. Une aubaine qui ne demande plus qu’à être développée…
“L’objectif de L’épineuse est de créer en France la culture de la figue de Barbarie, car il y a de nombreux débouchés que ce soit en cosmétiques, compléments alimentaires ou agro-alimentaires !” défend avec assurance la jeune entrepreneuse, qui lance un appel aux agriculteurs qui souhaiteraient aussi intégrer cette cactée sur leurs exploitations en culture bio ou agroforesterie. “Le but est de trouver des arboriculteurs, viticulteurs, maraîchers et transformateurs qui seraient intéressés pour créer une coopérative, ou en tous cas une filière avec des intérêts communs et convergents, écologiques, nutritionnels et économiques !” Une culture qui, selon ce même rapport de la FAO, devrait représenter, au cours des prochaines années, un fort potentiel en tant que source d’aliment pour les humains et complément de fourrage pour le bétail.
Contact : L’épineuse – Anouk Lehideux – 06 68 30 61 16 – anouk@lepineuse.com – https://www.lepineuse.com
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