Transition : l’option pâturage tournant [par Yann Kerveno]

Quand on parle changement climatique, on pense aux conséquences sur la vigne, les arbres fruitiers, les céréales, mais moins à l’herbe. Pourtant, les prairies sont tout autant affectées par les coups de chaud. Le pâturage tournant peut-être une solution.

Pour Jean-Luc Pull, chef du service Élevage de la Chambre d’agriculture de l’Aude, il n’y a pas de système plus résilient et résistant pour les prairies que le pâturage tournant. Une pratique qui exige de l’éleveur qu’il passe par une petite révolution et devienne producteur d’herbe. En premier lieu. “Pour maîtriser ce type de technique, il faut que la production d’herbe devienne le premier atelier de l’exploitation agricole” explique-t-il. C’est-à-dire que l’herbe commande et non plus le troupeau.
Mais en quoi cela consiste-t-il ? “Tout réside dans la maîtrise de la pousse de l’herbe. Il faut savoir qu’en moyenne, le cycle des graminées court sur 21 jours, durée qu’il faut adapter en fonction des facteurs qui peuvent limiter la pousse, le froid, la chaleur, le manque d’eau… Il faut garder à l’esprit, pour nos zones méditerranéennes, qu’au-delà de 25°, une graminée ne produit plus de biomasse, donc cette technique peut-être déployée au printemps, principalement, de début mars à la fin juin dans le meilleur des cas” détaille ensuite le technicien. Ce qui permet de passer entre quarante et soixante jours dans la parcelle.

30 à 40 % en plus

Mais attention, prévient-il ensuite, il faut être vigilant au surpâturage par les animaux qui, en rasant l’herbe, va amputer sa capacité de repousse. “Selon les espèces de ruminants, les règles ne seront pas les mêmes, on pourra laisser les petits ruminants, typiquement les ovins, brouter jusqu’à trois centimètres ; les bovins, pas en dessous de cinq centimètres. L’idée étant de ne pas entamer la gaine de l’herbe pour la préserver.” Et il résume en une phrase tout le paradoxe parfois si difficile à saisir pour les éleveurs : “Il faut être en capacité de laisser de l’herbe dans les champs pour en avoir plus après… Un pâturage tournant bien conduit permet d’obtenir 30 à 40 % de biomasse en plus…”

Forts chargements, peu de temps

Pratiquée par moins de 5 % des exploitations, c’est une technique qui demande un peu de rigueur et un suivi particulier. “C’est un système assez intensif pour lequel il faut déterminer la surface de pâturage en fonction des besoins du troupeau. Généralement, les taux de chargement sont assez élevés et les temps de pâture très courts.”
Pour expliciter son propos, il l’illustre par un calcul simple. “Un centimètre d’herbe, c’est grosso modo 200 kg de matières sèches à l’hectare, si je fais rentrer les vaches à 8 centimètres, elles ont trois centimètres à consommer donc 600 kg de matières sèches. Une vache consommant en moyenne 15 kg d’herbes par jour, je vais pouvoir, avec ce stock, y faire pâturer 20 vaches sur cet hectare pendant deux jours avant de les changer de place vers une autre parcelle…” Mais toutes les prairies peuvent-elles se prêter à cette technique ?

Prairies naturelles ou temporaires ?

“Oui cela fonctionne aussi bien avec les prairies naturelles qu’avec les prairies artificielles qui ont tendance à se pérenniser parce qu’elles tallent plus, elles peuvent devenir des prairies dites naturelles sur le long terme. Les légumineuses y reviennent naturellement au milieu des graminées, la prairie s’équilibre” ajoute Jean-Luc Pull. Mais le système peut aussi se déployer, avec plus de potentiel, sur des prairies temporaires avec du ray gras anglais hybride, du trèfle, pour une durée de vie de trois ou quatre ans. Dans une optique de plus longue durée, il faudra alors opter pour la combinaison fétuque, dactyle, en combinaison avec des légumineuses comme le trèfle… Le pâturage tournant peut aussi ne concerner qu’une partie de l’exploitation.

Mis en place en particulier chez Thimoléon Resnaud, éleveur de moutons dans l’Aude, le système conquiert rapidement ceux qui s‘y essayent “et tous ceux que nous avons interrogés ont constaté une augmentation de la production d’herbe dès la première année” conclut Jean-Luc Pull. “Ils ont appris à élever de l’herbe !”

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