Je consomme, tu consommes, il faut consommer !

C’est le leitmotiv de Bruno Le Maire, notre ministre de l’Économie, qui a affirmé avoir l’œil rivé tous les matins sur les statistiques des dépenses quotidiennes effectuées par carte bancaire : “il faut que les Français consomment !”. Et de dénoncer les 85 milliards d’euros mis de côté par les petits épargnants, ceux des livrets A (plafonnés à 22 950 euros et rapportant 0,5 % d’intérêts), des livrets de développement durable (plafonnés à 12 000 euros et rapportant 0,5 % également) et même les comptes courants individuels (qui ne rapportent rien mais peuvent coûter 7 % à 8 % d’agios en cas de débit non autorisé). Voilà une belle déclaration de guerre contre ce “monstre typiquement français” : le bas de laine ! Alors, on ne s’attaque pas aux placements financiers et autres investissement lucratifs des personnes à gros revenus et des sociétés : dans ce cas d’ailleurs, la terminologie change, car il ne s’agit plus d’épargne mais de “placements”. Il s’agit ici, encore une fois, que les Français.es les plus modestes soient res-pon-sa-bi-li-sé-e.s, bien que force soit de constater que cette guerre avait commencé bien avant la pandémie puisque c’est depuis le 1er février de cette année que le taux des intérêts rapportés par cette petite épargne a été minoré d’un tiers.
Ce propos néanmoins apparaît cohérent car c’est une règle basique de l’économie de marché : les Français.es doivent consommer et acheter, acheter et acheter afin que le système économique fonctionne et qu’avec leurs achats ils financent leurs propres emplois, selon le fameux slogan lancé dès 1993 et repris si souvent depuis, de “nos emplettes sont/font nos emplois”. Bon, en même temps, eu égard au montant individuel de cette épargne, la consommation par les petits épargnants est très limitée et leurs économies pourraient vite fondre comme neige au soleil avec une rentrée marquée par les pertes de revenus, les plans de licenciements et les dépôts de bilans. (…) Qu’importe, il faut que les ménages français continuent comme auparavant et, pour soutenir cette consommation et par là, le système économique, qu’ils s’endettent au besoin !

Si ça va mal, c’est la faute des Français.es !
Paradoxalement, en fin janvier 2020, le Gouvernement communiquait par le biais de son site “Vie Publique”, une étude intitulée “De la société de consommation à la déconsommation”, dans laquelle était dénoncée cette surconsommation, l’INSEE ayant fait ressortir que le volume annuel de consommation par habitant était aujourd’hui trois fois plus élevé qu’en 1960 ce qui avait nécessairement un impact négatif sur l’environnement et la santé. “Ce modèle de croissance est aujourd’hui remis en question” concluait-on alors. Euh, bon ? Mais ça, c’était avant…
Au gouvernement, on en est donc pas à une contradiction près et, depuis le début de la pandémie, chacun peut le constater au quotidien. C’est cependant révélateur d’une tendance qui voudrait devenir la règle dans le discours de nos dirigeants : si ça va mal, si leurs prévisions ne se réalisent pas, si leurs politiques n’aboutissent pas, ce n’est pas de leur faute, c’est la faute des Français.es ! Ce ne sont donc pas eux qui se trompent, ce ne sont pas eux qui sont incompétents, ils ont au contraire tout juste mais nous, pauvres Français.es “de base”, nous ne les écoutons pas, nous ne leur obéissons pas et à cause de notre indiscipline “à la gauloise”, leurs actions seraient ainsi mises en échec…
Une reprise économique qui ne vient pas, ce sera la faute des Français.es ! Comme la recrudescence de la maladie, les “clusters” un peu partout, la circulation élevée du virus dans certaines zones très peuplées, tout ça, c’est la faute des Français.es ! S’ils devaient mettre en œuvre leurs menaces de retour au confinement et de fermeture de certains établissements, ce sera bien sûr, la faute des Français.es. Que ce soit clair, si cette crise sanitaire perdurait emportant dans un tsunami économique tous nos emplois, nos ressources et même nos vies, ce serait de notre faute, évidemment ! C’est devenu le gimmick de la communication officielle de ces dirigeants actuels. Alors, outre la question des limites à notre “docilité”, reste celle résultant de leur rôle : puisque tout dépend de nous et qu’ils sont impuissants devant nous, avons nous vraiment besoin d’eux ?

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