Isabelle et Gildas Girodeau : les oliviers, la sculpture, les romans… (par Thierry Masdéu)

Sur la route de la Corniche qui mène d’Argelès-sur-Mer à Collioure, attenant à l’hôtel “Les Mouettes”, niche, à flanc de coteau, l’oliveraie du “Mas Boutet”. Un domaine oléicole que le couple Isabelle et Gildas Girodeau chérit depuis plus de 20 ans et que le terrible gel de 1956 avait plongé dans l’oubli. Là, face aux criques de Porteils, cette olivette est aussi un lieu de prédilection où les époux s’adonnent, au gré de l’inspiration, à la pratique de leurs arts respectifs. Isabelle à la sculpture sur bois et Gildas à l’écriture de romans. Portraits croisés de deux personnages que l’attrait de la mer et la passion de l’olivier ont unis à jamais…

C’est en élaborant, avec la Fédération française de randonnées, le topo guide de la côte Vermeille, qu’Isabelle tombe sous le charme de cet arbre fruitier, millénaire et mystique, “l’Olea europaea”. Une révélation qui conduisit cette Tourangelle d’origine à abandonner progressivement son premier métier d’urbaniste, pour s’installer définitivement en 2007 comme agricultrice avec son conjoint et collaborateur de mari. Pour Gildas, ce “Colliourenc” au pied marin, breveté de marine marchande, licencié de brevets d’État, sportifs, de voile, de transport de passagers, qui a souvent navigué en Méditerranée, traversé l’Atlantique, participé à des courses et régates, la culture de l’olive n’est qu’un juste retour à une tradition familiale et ancestrale. En atteste l’effigie de la typique barque catalane “Le Sardinal” qui orne de sa présence sur les étiquettes de l’ensemble des produits. “En 1940, durant la guerre, mon grand-père maternel, René, menuisier de profession, adhère à la coopérative oléicole de Banyuls-sur-Mer, où il exploitera une olivette familiale sur la commune de Cosprons, jusqu’au gel de 1956 !” nous explique le petit fils qui a remis en forme, avec Isabelle, l’oliveraie de cette parcelle. Au total, entre les arbres ancestraux et les nouvelles plantations, de Saint-André à Sant Climent Sescebes à l’Alt Empordà, 12 hectares d’oliviers en culture bio font la renommée des productions oléicoles d’olives de bouches et produits dérivés du Domaine du Mas Boutet. “Nous élaborons 3 cuvées d’huile d’olives, une douce pour la cuisine qui ne marque pas trop les aliments et deux autres avec des arômes plus développés ! Une fruitée verte, grâce à une cueillette en début de saison et une fruitée noire avec la récolte en fin de saison” détaille avec passion l’oléicultrice qui, depuis 10 ans, séduit par ses dons d’assemblage et recettes de pâtes et confitures d’olives des tables de renom, comme “La Balette” à Collioure ou “l’Almandin” à Saint-Cyprien.

©Thierry Masdéu

La forme du bois, l’imaginaire des livres

Mais Isabelle, bien qu’elle n’en ait pas la totale conviction, détient un tout autre talent de création, reconnu et encouragé par ses proches, notamment par son artiste de belle-maman, Odette, celui de la sculpture sur bois… d’oliviers, bien évidemment. “J’ai toujours aimé l’odeur, le travail et les outils du bois ! Quand je pratique la taille des oliviers, j’ai tendance à repérer des coupes en forme de fourches et, à partir de là, je réalise assez souvent des bas de corps de femmes” évoque avec engouement la sculptrice, qui regrette le peu de temps qu’elle dispose dans son atelier pour exprimer pleinement son art. “La sculpture, ce n’est pas comme le dessin, où sur un carnet on peut facilement croquer une impression, des lignes, des contours. Pour 10 minutes de temps, je ne peux sortir un ciseau à bois, commencer à ciseler, m’arrêter et reprendre plus tard… La sculpture sur bois demande un temps continu !” Depuis 8 ans, plus d’une vingtaine d’œuvres lui procurent un vrai plaisir, comme celui de les offrir à des amis. Excès de générosité, qui la prive, au grand dam de la famille, de galeries d’exposition.

©Thierry Masdéu

Quant à Gildas, l’histoire de sa passion pour l’écriture et la conjugaison des mots remonte à l’époque où il était interne au lycée Arago de Perpignan. “Avec les copains de chambrée, nous trouvions que le temps était un peu trop long et les seules littératures classiques autorisées nous ennuyaient désespérément ! Aussi, nous avions pris pour habitude d’écrire sur une page une histoire courte sur un sujet libre avec des écrits sur des choses interdites ! D’ailleurs, lorsque l’on se faisait prendre, la punition était sévère !” évoque avec facétie l’écrivain qui en a conservé le rituel. De son premier polar primé, “Rouge tragique à Collioure”, lors d’un concours de nouvelles à Saint-André, qui à l’époque s’intitulait “Voyage à Kyros”, nom d’une île grecque imaginaire, il s’est essayé à d’autres horizons comme le roman noir ou l’héroïc fantasy. De faits imaginaires ou réels, comme le génocide Rwandais ou la dictature en Argentine, la quinzaine d’ouvrages déjà publiés ont toujours un lien avec le territoire catalan, que ce soit avec les personnages ou avec les lieux évoqués. “Actuellement, j’ai en préparation, pour une publication avant Noël, une suite des aventures de Paul Feder, protagoniste dans certains de mes ouvrages dont le tout premier ! Les faits se déroulent ici, dans un environnement marqué à la fois par le scrutin pour l’indépendance de la Catalogne et la concurrence avec les trafics de drogue. Une lutte du marché entre les petits trafiquants locaux et les grands réseaux mondialisés…”
Une inspiration débordante que Gildas puise, comme Isabelle, en œuvrant au milieu des champs d’oliviers, et trouve plutôt amusant d’être qualifié d’écrivain dans le monde agricole et de paysan dans la sphère littéraire.

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