Pere Figueres : des vignes, une guitare, le pays Catalan… [par Thierry Masdéu]

“Y’a pas que l’agriculture dans la vie”

Parce que le monde paysan recèle de multiples talents dans des domaines tout aussi variés qu’insolites, parfois aux antipodes de l’agriculture, nous avons décidé d’évoquer les passions extra-agricoles, culturelles, ludiques, sportives qui accompagnent le quotidien de ces acteurs du territoire, qu’ils soient connus ou anonymes. Une série de portraits à découvrir au fil de l’été dans les colonnes du Journal L’Agri.

C’est avec Pere Figueres, vigneron retraité, poète, auteur, compositeur, interprète, musicien et sculpteur de bouchons de liège que nous inaugurons cette série estivale.

Né en Roussillon le 14 mars 1950 à Ponteilla, dès l’âge de 14 ans il quitte le cursus scolaire après avoir obtenu son certificat d’étude. Après 2 ans de formation au lycée agricole de Rivesaltes, il s’implique pleinement sur l’exploitation viticole de son père, Josep, comme soutien familial. Naissance d’une passion pour les métiers de la vigne qu’il exercera durant plus de 40 ans sur les communes de Ponteilla et de Fourques. “C’est une profession très agréable, tu es toujours en extérieur, seul au contact de la nature. Cette solitude favorise les pensées, te rend plus curieux et représente une source d’inspiration. D’ailleurs, durant une longue période, un petit carnet m’accompagnait sur lequel je notais de nombreuses ébauches de textes pour mes chansons !” témoigne avec une profonde sincérité Pere, qui continue d’entretenir ce lien avec la terre en cultivant le potager, à son domicile de Bages.

Si l’adolescence a marqué l’un de ses pas vers la viticulture, elle lui a aussi ouvert de par sa mère, Anna Maria, les voies de la littérature et de la poésie. “Ma mère était plutôt une intellectuelle et adorait la lecture. Comme elle travaillait au kiosque de la gare de Perpignan, elle ramenait souvent beaucoup de livres à la maison. Cela a été pour moi l’opportunité de me plonger dans la littérature !” évoque avec reconnaissance le poète, qui, du haut de ses 15 ans, a eu une double révélation le jour où sa mère lui a offert un livre de poésies de l’écrivain et poète Nord-catalan Joan Amade. “J’ai découvert de la poésie écrite dans la langue de ma terre et à ma grande satisfaction j’ai su, sans l’avoir étudié à l’école, lire et comprendre la grande majorité des vers en catalan !” Enfin, au travers de la guitare de son frère ainé, Joan, la musique et le chant se sont tout aussi naturellement glissés dans l’univers autodidacte du jeune homme. “La guitare, ça a aussi été le début d’une belle aventure, une nouvelle passion, car depuis j’en joue tous les jours, voilà plus de 55 ans !”

Sur la mobylette de Joan Pau Giné

Inconditionnel de Georges Brassens et de Raimon (auteur compositeur interprète Valencien), il débute une carrière artistique au côté du regretté Joan Pau Giné, auteur compositeur interprète, de 3 ans son aîné. “De Bages, il venait avec sa mobylette me récupérer à Ponteilla et nous partions ensemble, jusqu’au Barcarès pour chanter, lui avec la guitare en bandoulière sur le dos et moi avec la mienne tenue en main!” se souvient avec nostalgie, celui qui a arpenté les planches en compagnie de cet autre talentueux personnage emblématique, si cher à la culture Nord catalane, disparu en 1993 lors d’un tragique accident de la route. Si, à ses touts débuts, il a majoritairement chanté comme Joan Pau des chansons à textes, d’auteurs français, il s’oriente vers la poésie catalane de Joan Amade et de Jordi Pere Cerdà qu’il met en musique. “Quand je lis de la poésie, automatiquement j’ai une musicalité qui se détache, les notes de musiques affluent et ensuite je les transpose pour créer une mélodie”. Depuis son premier disque vinyle en 45 tours “Pres d’aquest país sóc” sorti en 1977, son répertoire représente plus d’une centaine de chansons. Artiste engagé, ses textes sont devenus aussi des chants militants et de revendication pour la défense de la cause catalane, à laquelle il est toujours très attaché.

Sculpteur de Kanyataps

Depuis 2004, une autre facette artistique caractérise son activité créatrice, la sculpture des bouchons de liège à champagne. “Un jour, la forme d’un bouchon m’a interpellé et avec un canif j’ai commencé à tracer des yeux, une bouche, etc., ensuite je les ai empilés les uns sur les autres par trois, par quatre et les “Kanyataps” sont nés !” détaille, amusé, ce sculpteur qui, paradoxalement, ne boit jamais de champagne. “Je les ai baptisés ainsi car ils reposent sur une tige de bambou et la lettre « K » est en hommage au peuple Kanak qui revendique aussi, comme le peuple catalan, l’indépendance de son pays !” De vernissages en vernissages, du Nord au Sud de la Catalogne, plus d’une centaine d’effigies, véhiculant toujours ce même message politique de liberté des peuples, ont parcouru les galeries d’expositions.

Actuellement, Pere Figueres a en préparation un nouveau CD et vinyle collector qui fera date, comme “Arbre” en 1998, en dévoilant une toute autre musicalité. Très attendu, les fans découvriront près d’une vingtaine de chansons, avec des inédits, des textes anciens et écrits de la poétesse d’Ille sur Têt, Simona Gay (sœur de Josep Sebastià Pons), dont il nous offre en acoustique et en avant première pour l’Agri ce titre : “M’has refusat una cançó”… Lettre poétique d’amour qu’elle a écrite à Olette en 1926.

Une réflexion sur “Pere Figueres : des vignes, une guitare, le pays Catalan… [par Thierry Masdéu]

  • 22 janvier 2024 à 20 h 50 min
    Permalien

    Je suis heureux de t’avoir connu

    Répondre moderated

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *