De Pia au Louvre, Joseph Foxonet sublime les couleurs de sa terre catalane [par Thierry Masdéu]

Si “la peinture s’apprend dans les musées”, comme disait Pierre-Auguste Renoir, chez Joseph Foxonet, c’est plutôt inné avec une touche qui caractérise ses toiles, les poudres de terres qu’il utilise pour les réaliser. Particularité minérale qui rend ses œuvres et sa palette de couleurs tout aussi uniques qu’inimitables et signe son attachement aux métiers de la terre. Reconverti en arboriculteur, le talent artistique de cet ancien viticulteur de Pia, qui a passé près de quarante années à la tête d’une exploitation de 30 hectares de chardonnay, merlot et cabernet, ne laisse pas indifférents les amateurs de peintures. Portrait d’un artiste-peintre paysan qui, chaque année en décembre et depuis 6 ans, expose ses tableaux au prestigieux salon des beaux-arts du carrousel du Louvre.

Cette passion pour le dessin et la peinture remonte à sa tendre enfance, un don révélé fortuitement… Chez sa grand-mère à Pia, il avait pris pour habitude, une fois ses croquis achevés, de les transformer en avions de papier pour les faire voler dans le jardin. Bien souvent ils atterrissaient dans celui du voisin, qui n’était autre que la propriété des parents de l’artiste peintre et sculpteur Pierre Garcia-Fons. “Un jour il est venu rendre visite à ma grand-mère pour savoir qui était l’auteur des dessins sur ces avions de papier et lui a dit : « Et bien votre petit-fils a du talent, il a un joli coup de crayon, dites-lui qu’il vienne me voir, je lui enseignerai quelques bases »” relate avec émotion Joseph, qui deviendra l’élève privilégié de cet artiste, aujourd’hui disparu. “Il avait son atelier à Paris et quand il venait à Pia, j’allais le rejoindre. Il m’a appris la perspective, la transparence, je n’ai pas fait l’école des beaux arts, mais lui, il a été mon maître pour ça !”

À 22 ans, notre artiste reprend l’exploitation familiale et dans une continuité de vigneron coopérateur, il la renouvelle avec des cépages dits améliorateurs, sans pour autant lâcher crayons, pinceaux et spatules. Ses premières toiles étaient alors réalisées avec des peintures acryliques, jusqu’à cette toute fin d’après-midi de mars où, en taillant la vigne, il en a décidé autrement. “Le coucher de soleil venait juste de s’achever lorsque j’ai remarqué, émanant du sol, une sorte de luminosité, et là… Ce fut la révélation ! Il fallait à tout prix que j’arrive à pouvoir retranscrire sur mes toiles, cette sensation de grâce !” évoque avec passion cet alchimiste des terres de couleurs, qui a fait sienne leurs pigmentations. “Alors j’ai pris un tamis et j’ai commencé à prélever des échantillons de terre de cette vigne, puis dans mon jardin de Pia, ensuite à Salses pour les terres rouges, à Espira de l’Agly pour les noires, à Sigean pour les blanches ou encore dans le Vaucluse pour les terres ocres de Roussillon. En fait j’ai entrepris une quête de terres aux couleurs primaires !”

Vin de minuit

Une palette assez magmatique, unique, qu’il a aussi complétée avec du marbre blanc pilé de Cases de Pène, ou de Brignoles pour le rose, mais aussi avec d’autres produits minéraux utilisés pour le traitement de la vigne, comme le soufre et le cuivre, qui offrent de belles couleurs. Au fil des années, sa passion pour le vignoble et ses responsabilités syndicales en tant que président des Jeunes vignerons coopérateurs du Roussillon, n’ont nullement altéré sa soif de créativité picturale. Tout comme durant son mandat de 3 ans à la présidence de la cave coopérative de Pia, où il a imaginé, pour améliorer l’image de marque de la cave, “Le Vin de Minuit”. “Il fallait trouver un modèle de communication, inexistant au sein de la cave, pour la mettre au devant de la scène. Alors, ces vendanges à partir de minuit pour conserver les arômes du raisin, éviter les fortes chaleurs du mois d’août et la sortie de cette cuvée spéciale le troisième jeudi du mois d’octobre à minuit, nous ont permis d’avoir une couverture médiatique locale et nationale en presse écrite, radio et TV inespérée !” Un coup de maître en communication pour cette cuvée où l’on retrouve sur l’étiquette une de ses peintures, créée pour l’occasion.

“Bonjour monsieur le peintre, comment tu vas…”

Discipline, rigueur et netteté du trait sont aussi les trois qualités que lui avait enseigné au collège son professeur de dessin, Georges Ayats, un artiste peintre minimaliste, qui était spécialisé dans les formes et les couleurs. Mentor avec lequel, quelques années plus tard à Perpignan, il a eu plaisir à partager la même galerie d’exposition pour présenter leurs œuvres. Une reconnaissance, mais aussi un enseignement de ses pairs qu’il aime à son tour divulguer aux enfants qu’il reçoit régulièrement à Pia, au lieu-dit “La Picasse”, son atelier qu’il a créé au milieu des vignes. Un havre entouré d’un écrin d’arbres, propice à l’inspiration. “Chaque année, je reçois du centre de loisirs du village une troupe de 25 mômes de 3 à 4 ans et je leur mets à disposition sur les tables du jardin, des terres de couleurs avec de l’eau, un peu de farine, pinceaux, papiers, de quoi s’adonner aux plaisirs du dessin et de la peinture !” témoigne, ému, l’artiste-peintre, qui souhaite éveiller leur créativité et pourquoi pas susciter des vocations. “Ils s’éclatent, ils sont heureux, c’est pour moi un plaisir partagé et après, lorsqu’ils me croisent dans le village et qu’ils me disent « Bonjour monsieur le peintre, comment tu vas ? » là, je suis comblé !” Pablo Picasso disait “La peinture, ce n’est pas copier la nature mais c’est apprendre à travailler comme elle.” Une évidence pour Joseph Foxonet qui a également appris, à travailler avec elle…

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