Inflation alimentaire : mars, le mois de tous les dangers [par Thierry Masdéu]

Les conséquences de la guerre en Ukraine font les choux gras des marchés boursiers où le cours des énergies et des matières premières, et notamment agricoles, engendrent de très gros profits. Un baromètre d’achats et de reventes qui, attisé par certains acteurs opportunistes de la pure finance ne font, par leurs actions, qu’accroître artificiellement le prix de ces marchandises.

Une spéculation toxique qui s’ajoute à une inflation déjà galopante et impacte tous les secteurs. Après les hausses tarifaires des carburants, du gaz et de l’électricité, les produits alimentaires et petit bazar de consommation courante, sont à leur tour aspirés dans cette spirale inflationniste. Ces derniers, en l’espace d’une année civile, ont affiché sur 2022 une inflation qui a frôlé + 14 %, selon l’enquête IRI, l’analyseur des données d’achats. Avec une augmentation de prix constatée sur les produits de marques nationales (MN) de + 11,62 %, sur les marques de distributeurs (MDD) de + 18,30 % et enfin sur les marques de premiers prix (PPX) de + 20,46 %. Surgelés, glaces, crémerie, frais non laitier, épicerie salée et sucrée, sont les catégories de produits alimentaires qui occupent le haut de ce tableau.

Une tendance qui, selon la même étude, continue à la hausse dans les rayons avec, pour le mois dernier, une progression de 1 %. Devons-nous pour autant nous attendre à de plus fortes progressions des prix sur les prochains mois ? À en croire plusieurs analystes, c’est à craindre et le pic attendu serait pour le mois de mars. Date à partir de laquelle les grandes enseignes de la distribution appliqueront les nouvelles tarifications sur les produits. Des prix qui font actuellement l’objet d’âpres négociations entre la grande distribution et leurs fournisseurs industriels et agricoles.

Augmentation brutale et concentrée

Des observateurs économiques prédisent même que l’inflation pourrait être tout aussi importante sur ce seul mois de mars 2023 que celle enregistrée sur l’ensemble de l’année 2022. Une augmentation brutale et concentrée sur un laps de temps très court, estimé de 4 à 6 semaines. Délais nécessaires le temps que la régulation des nouveaux prix soit mise en application. Afin de pallier à ce tsunami annoncé de prix sur les produits de consommation courante, Olivia Grégoire, ministre déléguée en charge du Commerce, soumettait la semaine dernière aux enseignes de la grande distribution la mise en place d’un panier anti-inflation. “Je propose aux distributeurs une action collective, ensemble, à partir du mois de mars, pour trois mois, pour pouvoir avoir une action sur une cinquantaine de produits collectivement et concomitamment, pour que les gens puissent aussi se repérer, avoir une balise dans ces prix à la consommation. Ils acceptent cette proposition tant mieux, ils ne l’acceptent pas, j’en serais fort marrie !” Ce souhait gouvernemental, qui s’inspire d’une mesure grecque, les enseignes de “Système U” l’ont déjà mise en place depuis le début du mois, avec une liste de 150 produits à prix coûtant et pour une durée indéterminée.

L’exemple de la TVA espagnole

Mais des associations de consommateurs comme “UFC – que choisir” s’insurgent du choix peu diététique de certains produits présents sur cette liste et le manque cruel de fruits et légumes frais. Les autres enseignes de la grande distribution suivront-elles les recommandations du gouvernement ? Libres à elles de l’instaurer car rien ne les y oblige, mais l’exécutif a bel et bien l’intention de l’imposer à partir du 1er mars. Si on prend le cas de l’Espagne, le gouvernement central de Madrid a plutôt misé sur un autre levier pour lutter contre son inflation alimentaire. Dès le début janvier, il a procédé à la suppression de la TVA sur tous les produits de premières nécessités. Pains, farines, laits, fruits, légumes, œufs, fromages, céréales tous ces articles ont vu leurs taxes passer de 4 % à 0 % et pour celles de l’huile et des pâtes, elles ont été réduites de 10 % à 5 %.

Pour la France, après le “quoi qu’il en coûte” ce panier anti-inflation devrait maintenir un cap de pouvoir d’achat sur des produits alimentaires et d’hygiène de base qui représentent, pour l’exécutif, bien plus qu’un simple sujet économique. Mais comment ou par qui sera-t-il financé ? Qui baissera ses marges ? Les distributeurs, les industriels ou les producteurs agricoles ? Autant de questions qui restent en suspend. Pour l’heure, la liste complète des articles qui composeront ce panier devrait être dévoilée cette semaine avec plusieurs types de produits. En alimentaire, du frais, du surgelé, de l’épicerie, mais également des produits d’entretien, d’hygiène, voire même des médicaments. Une mesure qui laisse présager un début de deuxième trimestre très tendu, où l’inflation omniprésente le sera aussi jusque dans nos assiettes.

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