Gîtes : option piscine, un atout ou un inconvénient ? [par Thierry Masdéu]
Avec ses 740 hébergements labellisés et un potentiel d’accueil de 200 000 clients à l’année, l’association des “Gîtes de France” des Pyrénées-Orientales représente 17 millions d’euros de retombées économiques et 1 000 emplois directs et indirects. Non assimilés à de l’hôtellerie, à l’instar des chambres d’hôtes, campings et hôtels, les gîtes équipés de piscines, non considérées comme à usage collectif, n’ont pu bénéficier dans l’arrêté préfectoral sécheresse des mêmes réglementations pour le remplissage des bassins.
Considérés comme à usage privé, seul l’appoint d’eau ponctuel a été toléré afin d’assurer le bon fonctionnement des dispositifs d’alarmes ainsi qu’en cas de prolifération de moustiques, malgré les traitements chimiques employés. Des critères restrictifs qui ont conduit certains propriétaires à fermer l’accès temporaire ou total de leurs bassins. “Nous disposons de 25 % de l’offre Gîtes de France avec piscines, ce qui n’impacte pas tout notre potentiel commercial !” minimise avec prudence Bernard Foltran, directeur des relais départementaux de l’Aude et des P.-O. “Avant l’application de l’arrêté préfectoral, nos adhérents se sont organisés pour maintenir au mieux les niveaux de remplissage en eau, afin d’essayer de tenir au moins tout le mois de juillet.” Essentiel pour préserver les revenus locatifs des propriétaires, car ces équipements de loisirs font partie intégrante de la prestation commerciale. “Effectivement, cela vient conforter un prix, un service. Et, dans les cas où l’accès à la piscine n’a pas été possible ou garanti, on a tout de même maintenu quasiment 90 % des réservations par le biais de mesures compensatrices de promotions ou de réductions des prix !” souligne le directeur, qui tire aussi comme enseignement que l’option piscine n’est pas l’élément déterminant de la commande des séjours, sauf, pour 10 % de la clientèle qui a du être remboursée.
Mémo sur le concept “Gîtes de France”Issue du monde agricole, cette organisation impulsée par Émile Aubert, sénateur des Basses Alpes, fonde la fédération des Gîtes de France en 1955. Le but initial, permettre aux agriculteurs de valoriser du bâti, leur assurer un revenu complémentaire et faire découvrir aux citadins la vie à la campagne. Sur les Pyrénées-Orientales, l’association qui est née il y a une soixantaine d’années en Cerdagne, compte actuellement 450 propriétaires, dont la plupart ne sont plus agriculteurs. Un regret pour l’association qui souhaiterait renouer cette activité avec les exploitants agricoles en les accompagnant dans le montage et suivi de nouveaux projets d’hébergements. |
Surmédiatisation de la crise sécheresse
Mais au-delà des contraintes restrictives d’utilisation des piscines et de la sensibilisation des résidents à l’utilisation modérée de l’eau, Bernard Foltran dénonce, tout comme Patrice Rémy, président des “Gîtes de France” Occitanie, une sur-médiatisation de la crise sécheresse préjudiciable à l’activité touristique des P.-O. “Pour nous, la baisse de la fréquentation touristique de cette année vient plutôt d’une communication exagérée de la presse nationale sur les conditions climatiques de la sécheresse, qui a véhiculé, dès le printemps, avec l’incendie survenue à Cerbère, une image extrêmement dégradée du département des P.-O. !” détaillent à l’unisson directeur et président, évoquant un climat de presse anxiogène qui a perturbé les réservations dès le mois de mai. “C’est regrettable car pour 80 % de nos adhérents, les gains locatifs du gîte qui, rappelons-le, est un bâtiment à part de l’habitation principale du propriétaire, représentent au moins 50 % de ses revenus !” Une perte économique que ces professionnels du tourisme, non reconnus comme tels, espèrent pouvoir rattraper avec les réservations d’août et surtout de septembre qui affichent un très bon taux de fréquentations. Si, à l’entame de l’été, la médiatisation de cette crise sécheresse semble avoir débouté la venue du quota habituel de touristes, localement, celui des nouvelles constructions de piscines ne s’est pas tarie.
Installateurs de piscines… débordés
C’est le cas pour Philippe Boursse de l’entreprise “CDNG Piscines” à Villeneuve-de-la-Raho. Débordé, cet artisan a tout juste eu le temps de lâcher quelques mots au téléphone concernant l’incidence ou pas de l’arrêté préfectoral sécheresse dans l’exercice de son activité. “Je pense que c’est une situation éphémère, notre carnet de commandes ne désemplit pas, bien au contraire !” Un constat que partage également Nabil El Habbi de la marque “3P Piscines” à Perpignan. “Dans la majorité des cas, l’adage de notre profession dit « On plante sa piscine en hiver pour qu’elle fleurisse au printemps ! » Alors cet arrêté crise a simplement freiné les commandes de certains retardataires qui s’y sont pris au dernier moment et qui auraient eu de facto leur piscine, mais sans pouvoir la remplir !” mentionne serein ce co-gérant avec tout de même une pointe d’amertume concernant les restrictions déployées à l’égard de ces équipements de loisirs aquatiques. “Vu que les bassins tournent en circuit fermé et qu’avec une bâche, ne serait-ce qu’à bulles, on évite pas mal d’évaporation, toutes ces mesures ne sont pas, à mon avis, les plus efficaces pour la préservation de la ressource en eau ! Les contrôles devraient plutôt se concentrer sur la consommation en eau des bains et douches des foyers, avec un rappel à l’économie si, après lecture du compteur, la consommation s’avère exagérée en fonction du nombre de résidents !” Concepteur depuis 2011 de piscines privées et collectives, Nabil et son frère Hatim espèrent que ces restrictions sécheresse seront levées au plus vite et que l’activité commerciale pourra reprendre son cours normal et en particulier celle de l’installation des SPA qui a été plus sévèrement touchée…
Contacts : Patrice Rémy – Gîtes de France P.-O. – 04 68 68 42 89 – https://www.gites-de-france-66.com
Nabil El Habbi – 3P Piscines – 06 68 99 25 51 – https://www.piscines-3p.com/
Philippe Boursse – CDNG Piscines – 06 83 15 93 86 – https://www.cdngconstruction.com/
Résumé du communiqué préfecture du 25 juillet 2023
Prorogées jusqu’au 19 septembre 2023 inclus, les mesures de l’arrêté préfectoral sur l’usage de l’eau restent en vigueur. Avec des modifications sur l’arrosage autorisé 2 nuits par semaine pour les pelouses des stades, ainsi que sur le calendrier d’irrigation agricole pour les secteurs de niveau d’alerte et alerte renforcée. Des mesures qui pourraient être réévaluées suite aux prochaines conclusions du “Comité de ressource en eau” qui se réunit ce jeudi 24 août. Dans ce même communiqué, le préfet salue également la prise de conscience collective et l’esprit de responsabilité qui a permis d’enregistrer des baisses historiques de consommation d’eau potable (par rapport à la même période de 2022) estimée pour cette année et hors période touristique à : – 17 % en avril, – 30 % en mai et – 34 % en juin.