Chiffres 2020 du Tribunal de commerce : tempête en vue ! [par Thierry Masdéu]

À l’heure des bilans économiques pour l’année 2020, l’un des plus attendu est sans aucun doute celui du Tribunal de commerce et greffe de Perpignan, dont l’activité a été singulièrement perturbée. Tout d’abord par les déboires de la grève des avocats de janvier à février puis, bien évidemment, ceux des confinements. Si l’instruction judiciaire a été très réduite, les audiences d’ouvertures de procédures collectives ont tout de même été maintenues suivant des modalités particulières, parfois à juge unique. Tout juste un an après sa prise de fonction, nous avons souhaité faire le point de l’année écoulée avec l’actuel président du Tribunal de commerce, Michel Binier, qui ne cache pas ses inquiétudes pour 2021.

Quelle analyse portez-vous sur l’activité judiciaire du Tribunal de commerce pour 2020 ? 
Sur le plan des statistiques judiciaires, on constate d’une part une baisse importante du nombre d’ouvertures de dossiers au contentieux qui représentent moins 35 % (332 dossiers en 2020 contre 506 en 2019) et surtout des procédures collectives qui affichent moins 40 % (258 audiences en 2020 contre 436 en 2019). Mais ne nous leurrons pas, cela est dû aux mesures d’aides Covid mises en place par l’État, comme les PGE (prêt garantie par l’État) et échéanciers au niveau des cotisations URSSAF, etc. Cela a permis aux entreprises qui se trouvaient déjà en grandes difficultés et qui auraient déposé leurs bilans, de se maintenir à flot. Même en ce début d’année nous n’effectuons que 4 à 5 ouvertures de ces procédures par semaine, ce qui représente moins 50 % du flux habituel. 
Cette situation laisse donc présager une augmentation des cas pour 2021 ? 
Malheureusement, je le crains, dans le courant du printemps les échéanciers devront être honorés, les PGE remboursés même si pour cette mesure l’État semblerait vouloir la proroger d’un année supplémentaire. Oui, pour les mois à venir on peut s’attendre à avoir une grosse demande d’ouvertures de procédures collectives.
Quels sont les secteurs qui seront le plus touchés ? 
Bien évidemment tous les établissements qui subissent depuis le début des confinements les fermetures administratives, comme les bars, les restaurants, les hôtels, les discothèques, les salles de sports, de spectacles, etc. Le secteur du bâtiment est également touché pour les artisans qui n’ont pas pu réaliser des chantiers dans les conditions optimales. Tout comme le petit commerce du prêt à porter qui accuse une grosse concurrence de la part de certaines marques de fabricants, qui ont réalisé directement des ventes depuis leurs sites internet, récupérant la clientèle des boutiques.
Avec ces mesures d’aides, l’État permet aux entreprises de survivre, qu’en pensez-vous ?
Les centaines de milliards d’euros que l’État injecte dans l’économie, il faudra bien un jour ou l’autre les rembourser, la dette sera lourde de conséquences ! Est-ce que cela se fera sans augmentation d’impôts ? Moi je n’en suis pas certain. Nos gouvernants disent qu’il n‘y en aura pas, mais en 2022 se profilent de nouvelles élections et la donne peu changer. Ou bien il faut effacer la dette, mais là, permettez-moi d’en douter, cela me rappelle les emprunts russes !
Le Tribunal de commerce n’a pas pour vocation que de sanctionner ? 
Effectivement et je souhaiterais insister sur le fait que les chefs d’entreprises ne doivent plus hésiter à venir nous consulter à titre préventif, dès qu’ils pressentent un danger pour la pérennité de leur activité. Car les procédures collectives, c’est soit la sauvegarde, soit le redressement ou la liquidation judiciaire, mais il y a d’autres procédures qui sont à l’amiable, comme la conciliation et le mandat ad’hoc. Ces démarches, tout à fait confidentielles, permettent, sans en faire état publiquement, la mise en place de plans d’étalements des dettes.
De plus, lorsque l’on détecte un chef d’entreprise qui est en souffrance, en détresse psychologique, nous alertons l’association APESA66 (voir encadré) fondée par mon prédécesseur Alain Cavallière, qui assure un accompagnement personnalisé de la personne et permet souvent d’éviter un geste irréparable.

Contact :
Tribunal de commerce Perpignan
04 68 34 47 08 – 04 68 34 24 33 
https://www.cours-appel.justice.fr/montpellier/tribunal-de-commerce-de-perpignan

Activité économique : quelques chiffres

Créations 
• Personnes physiques : 1 663 en 2020 / 1 866 en 2019 = -10,88 %
• Sociétés commerciales : 1 428 en 2020 / 1 540 en 2019 = – 7,27 %
• Sociétés Civiles : 958 en 2020 / 996 en 2019 = – 3,82 %
• GIE : 2 en 2020 / 3 en 2019 = – 33,33 %
Radiations
• Personnes physiques : 890 en 2020 / 1 130 en 2019 = – 21,24 %
• Sociétés commerciales : 580 en 2020 / 639 en 2019 = – 9,23 %
• Sociétés Civiles : 236 en 2020 / 243 en 2019 = – 2,88 %
• GIE : 2 en 2020 / 3 en 2019 = – 33,33 % 

Soutiens psychologiques

Le réseau des associations APESA a pour but initial de prévenir et détecter le risque suicidaire des chefs d’entreprises. Car, bien souvent, la mauvaise santé financière d’une entreprise porte atteinte à la santé psychologique de ces femmes et de ces hommes qui investissent non seulement des capitaux mais leur vie dans leur entreprise. Depuis 2018, date de sa mise en fonction pour les P.-O., l’APESA 66 est mise en alerte par un réseau de sentinelles qui émane du tribunal, du greffe, des mandataires judiciaires, de la Chambre de Métiers, de la CCI, des banques, des cabinets d’experts comptables, d’avocats et autres associations. Réseau qui est amené à se développer tant la demande est croissante. À ce jour, l’APESA 66 a accompagné, avec l’aide de psychologues spécialisés, 14 personnes en 2018, 36 en 2019 et 17 en 2020. Toujours en 2020, 14 personnes supplémentaires du département ont fait l’objet du même accompagnement grâce au numéro vert (0805 65 50 50) mis en place par le réseau national, à l’occasion du premier confinement. 
Contact : APESA 66 : Tél. : 04 68 34 47 08 – 66apesa@gmail.com 

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