Fin de l’avantage fiscal sur le GNR : une mesure programmée à partir de 2024 ? [par T. Masdéu]
Chaque rentrée apporte son lot de nouvelles décisions gouvernementales, comme la fin programmée de la défiscalisation du gazole non routier (GNR)*. Une détaxe qui n’affectera pas les transporteurs routiers, épargnés par Bercy qui souhaite préserver leur compétitivité. Mais apparemment, pas celle des agriculteurs et des entreprises du bâtiment et travaux publics (BTP).
Une démarche que le ministre de l’Économie, Bruno Le Maire, invité de France Info le 7 septembre dernier, justifiait par ces chiffres : “Le niveau de taxation du gazole est de 3,8 centimes pour les agriculteurs, il est de 18 centimes pour les travaux publics, donc c’est très inférieur à ce qui existe dans la moyenne des pays européens et en France, mais il est de 45 centimes pour les transporteurs routiers. 45 centimes, c’est plus élevé que ce qui est pratiqué en Espagne, c’est plus élevé que ce qui est pratiqué en Italie, je ne vais pas affaiblir nos transporteurs !”
Une argumentation que Bruno Le Maire a fait valoir, indiquant que la suppression progressive de cette détaxation correspondait à une volonté d’augmenter les recettes fiscales pour engager une décarbonation sur l’énergie fossile utilisée. “Nous supprimerons la niche fiscale sur le gazole non routier pour faire basculer notre fiscalité d’une fiscalité « brune », qui incite à consommer des énergies fossiles, donc c’est mauvais pour le climat, à une fiscalité qui valorise les investissements verts”.
Une annonce aussitôt contestée par la FNSEA, opposée à cette suppression sans alternative de substitution cohérente et raisonnable à ce carburant. “La suppression de la niche fiscale souhaitée par le ministre ne constitue absolument pas un moyen d’accélérer la transition écologique que chacun appelle de ses vœux. Elle consiste uniquement à augmenter les taxes payées par les agriculteurs, sans aucun effet sur la consommation de GNR, ni sur son impact carbone” précisait le syndicat qui rajoute dans son communiqué : “Dans une volonté d’engager la décarbonation de l’énergie utilisée pour le matériel agricole, la FNSEA propose, depuis 4 ans, la construction d’une trajectoire permettant d’aboutir à des solutions alternatives au GNR (carburants verts, hydrogène, électricité…). Depuis 4 ans, la FNSEA n’obtient pas de réponse du Gouvernement. Aujourd’hui, les agriculteurs n’ont donc aucune possibilité d’alimenter leur matériel par une solution autre que le GNR.”
Fesneau, Le Maire, jeu de vocabulaire…
Cette mesure, que le ministre de l’Économie a présentée comme progressive, débuterait dès janvier 2024, pour être définitivement actée en 2030. Deux jours après son annonce, le ministre de l’Agriculture, en déplacement sur la foire de Châlons-en-Champagne, a essayé de désamorcer la situation, déclarant lors d’une conférence de presse : “Il n’est pas question de supprimer l’avantage fiscal, il est simplement question que nous fassions en sorte que nous trouvions une trajectoire avec le monde agricole”. Un jeu de vocabulaire qui ne rassure pas pour autant la profession, même si le ministre de l’Agriculture a réassuré qu’il n’y avait pas d’inquiétude à avoir, en précisant : “Il y a besoin de compétitivité dans le monde agricole, donc il n’est pas question de faire des choses abruptes. Il s’agit de trouver une trajectoire sans suppression, mais une diminution importante à terme.”
Cette détaxation progressive représenterait pour la première année (2024) 5 % soit, pour l’État, une recette fiscale que Marc Fesneau estime aux alentours de 78 millions € et qui, a-t-il assuré, reviendra alimenter le monde agricole pour être affectée à la transition énergétique de la flotte de tracteurs agricoles. Actuellement, selon Bercy, le soutien au GNR agricole représenterait 1,3 milliard d’euros, celui au GNR non agricole 1,1 milliard et celui au transport routier 1,2 milliard. À suivre…
* (Voir Agri Nº 3761 du 25-03-2021)