Faire feu de tous bois
Parfois le bois encombre, parfois il peut devenir une ressource. Il en est ainsi des brûlages dirigés destinés à maintenir les milieux ouverts ou des nouvelles utilisations du bois dans les exploitations agricoles.
“Les Pyrénées-Orientales, ce sont surtout des surfaces pastorales” annonce tout de go Emmanuel Leroy, du service élevage de la Chambre d’agriculture, et qui dit “surfaces dit forcément aussi bois !” Et le bois c’est d’actualité. “Sur cette question, nous sommes sur deux problématiques différentes. Il y a celle de la conservation des surfaces pastorales par entretien mécanique ou par brûlage dirigé. L’enjeu c’est de minimiser le coût d’ouverture. Avec les évolutions de la mécanisation, une nouvelle problématique s’ouvre, celle de la valorisation potentielle des bois qui se trouvent sur les exploitations agricoles et de compenser ainsi les coûts d’exploitation.” Une valorisation qui peut prendre plusieurs formes, soit classique, le bois de chauffage, soit plus dans l’air du temps, la transformation en plaquettes. Ces dernières pouvant avoir deux destinations, le chauffage ou la litière des animaux…
Françoise Lépicier explique : “C’est une réflexion que les éleveurs peuvent aujourd’hui avoir que cette utilisation différente du bois qu’ils possèdent sur leurs parcours. Alors cela va des arbres qui seront prélevés pour ouvrir les parcelles jusqu’à l’entretien des haies qui fournissent une ressource non négligeable au lieu, soit de les brûler ou de simplement de les laisser sur place…” Une des utilisations nouvelles, rendue possible par le développement de l’outillage, c’est d’en faire de la litière pour les animaux, comme cela se pratique déjà dans certains départements comme le Tarn. “L’idée, c’est d’avoir accès à une ressource moins onéreuse que la paille, surtout dans notre département qui n’en produit pas” ajoute Françoise Lépicier. L’expérience du Tarn chiffre à 40 € de plaquettes, pour l’équivalent d’une tonne de paille, à un prix moyen de 100 € la tonne.
La filière s’organise
“Pour la litière des animaux, les éleveurs ont le choix soit de n’utiliser que des plaquettes, soit de les mélanger avec de la paille” ajoute-t-elle. Pour réaliser ces plaquettes, les morceaux de bois déchiquetés font 2 sur 6 centimètres, il faut avoir recours à une machine. “Là encore, il y a deux options, soit l’éleveur s’équipe, mais il sera probablement limité par la capacité de la machine, liée à son coût à l’achat, soit il faut organiser un chantier à plusieurs pour permettre le déplacement et la rentabilité d’une machine de gros calibre” ajoute Françoise Lépicier.
Cela dit, s’il est encore parfois complexe de trouver le matériel, la filière s’organise dans le département autour de la demande des collectivités locales qui sont maintenant nombreuses à s’être équipées de chaudières à plaquette. “C’est un sujet que nous travaillons avec tous les partenaires et le centre régional de la propriété forestière, Bois énergie 66 et le Parc Naturel Régional” souligne-t-elle. Plus la demande est importante, plus le matériel sera accessible. Le point critique à ne pas négliger avant de se lancer, c’est le stockage. Il faut laisser le temps aux plaquettes de sécher dans un endroit si possible abrité.
4 MAP pour un mètre cube
Un peu à la manière d’un compost, le tas de plaquettes sera composé en pyramide et va chauffer, jusqu’à 80° à cœur. “Mais il faut que cela soit bien sec pour que le pouvoir absorbant soit maximum.” Outre l’utilisation classique en bâtiment, les éleveurs peuvent aussi utiliser les plaquettes en hiver, autour des râteliers dans les parcelles pour améliorer la portance et, par conséquent, la propreté des animaux, diminuant d’autant le risque de complications liées à la mauvaise saison dans les élevages en plein air intégral. Elle précise qu’il faut compter 1 mètre cube de bois plein pour produire 2,5 mètres cubes apparents plaquette (MAP) et qu’il faut 4 MAP pour équivaloir à un tonne de paille en termes en capacités d’absorption. “Dans les bâtiments, il faut juste apprendre à ne pas évaluer l’état de la litière en l’observant, parce que les plaquettes sont vite noires, mais en s’appuyant plutôt sur la propreté des animaux”.
Les brûlages dirigés
Mais prenons un peu de hauteur pour rejoindre les parcours un peu loin de tout qui sont la proie des plantes. Là, l’enjeu n’est pas d’en faire une ressource, enfin, pas complètement, mais bien de conserver les parcours ouverts et nourrissants pour les animaux. Si les parcelles sont accessibles et mécanisables, alors il faut en passer par le gyrobroyage. Mais si ce n’est pas possible, seul le brûlage dirigé, plus connu sous la mauvaise appellation d’écobuage, s’impose. Mais attention, pas question de faire n’importe quoi en la matière. Carole Duperron, de la société d’élevage, précise. “Il existe deux dispositifs : pour les parcelles de moins d’un hectare, une simple déclaration suffit ; au-delà, il faut une autorisation qui passe sous les fourches caudines d’une commission spéciale, placée sous l’autorité du préfet.” Commission qui réunit une trentaine d’organisations pouvant avoir leur mot à dire sur la question et qui débouche sur un cahier des charges propre à chaque brûlage dirigé.
Tout est contrôlé
“Nous incitons les éleveurs à planifier leurs travaux sur cinq ans, parce que les autorisations sont données pour cette période et cela permet d’adapter les brûlages en fonction des années et des conditions météo.” Parce que même une fois l’autorisation acquise, tout n’est pas permis ou possible. “Il faut que les conditions d’humidité, ou de gel, soient bonnes pour ne pas brûler le sol et que l’herbe puisse repousser, mais certaines plantes ne brûlent que très sèches, comme les Cystes à feuille de laurier, tandis que d’autres, comme le genêt purgatif, flambent comme une allumette.” Le tout s’effectuant sous le contrôle des pompiers. Et le coût ? C’est selon la configuration. De 1 500 à 2 000 € par hectare pour le gyrobroyage, 4 000 euros à l’hectare pour le débroussaillage à la débroussailleuse à dos et de 30 à 1 500 euros l’hectare en brûlage dirigé.