Épandages : l’association Respire déboutée devant le Conseil d’État
L’association Respire a demandé la restriction de l’épandage de pesticides durant l’état d’urgence sanitaire. Requête rejetée. Extraits du jugement que L’Agri a pu se procurer.
Lors de l’audience en référé qui s’est tenue le 16 avril 2020 l’association Respire a demandé au juge des référés du Conseil d’État d’enjoindre au Premier ministre, au ministre de la Santé et, le cas échéant, au ministre de l’Agriculture de modifier les conditions d’application de l’arrêté du 7 avril 2016 pour rendre obligatoire et d’application immédiate jusqu’à la cessation de l’état d’urgence sanitaire, les recommandations et dispositions réglementaires fixées dans son annexe. Sur son site, cette association déclare : “Respire demande à voir reconnaître la carence de l’État à réglementer les épandages générateurs d’ammoniac créant ainsi avec certitude une pollution atmosphérique susceptible d’aggraver l’épidémie de coronavirus.” Pour faire valoir l’insuffisance du dispositif mis en place par les autorités dans le contexte actuel, Respire a produit des études scientifiques dont elle soutient qu’elles établissent l’existence d’un lien entre la pollution de l’air, en particulier par les particules PM10 et PM2,5, et le développement des maladies respiratoires en général et du Covid-19 en particulier. Ces particules correspondent à un mélange de substances chimiques organiques et inorganiques déclinées sous le terme “particules en suspension” et désignées par l’abréviation PM qui provient de l’anglais “Particulate Matter”. Respire s’appuie ici sur une étude chinoise publiée le 20 novembre 2003 portant sur la pollution de l’air et la mortalité due au SRAS en République populaire de Chine, sur une étude américaine datée du 5 avril 2020 analysant les conséquences d’une exposition prolongée aux particules PM2,5 sur la gravité de l’épidémie de Covid-19 aux États-Unis. Enfin, sur une étude italienne réalisée en avril 2020 examinant le lien entre les dépassements répétés des seuils de pollution survenus en Lombardie entre le 10 et le 29 février 2020 et la gravité de l’épidémie de Covid-19 dans cette région à compter du 3 mars 2020. (…)
Pas une atteinte grave et illégale aux droits au respect à la vie et à la protection de la santé
Des éléments qui n’ont pas été retenus par l’instruction : “En premier lieu, l’étude chinoise, qui porte au demeurant non sur le Covid-19 mais sur le SRAS, concerne la pollution de l’air en général, notamment la pollution au dioxide de carbone laquelle a été fortement réduite à la suite de la très forte diminution des activités de transports, et non la pollution aux seules particules PM10 et PM2,5. Si l’étude américaine porte sur les conséquences des différences d’exposition aux particules PM2,5 (…) elle se fonde sur une exposition de long terme, retenant des durées d’exposition de plusieurs années minimum et pouvant aller jusqu’à dix à quinze ans, ce qui n’est guère pertinent pour apprécier les conséquences d’une exposition limitée à quelques semaines seulement. (…) En dernier lieu, si l’étude italienne porte sur le lien entre les dépassements du seuil de 50 μg / m3 pour les PM10 survenus en Lombardie sur la période du 10 au 29 février 2020 et sur la virulence de l’épidémie de Covid-19 dans cette région à compter du 3 mars de cette année, cette étude qui, au demeurant, n’a, à ce stade, pas encore fait l’objet d’une publication par une revue scientifique dotée d’un comité de lecture, concerne les effets de dépassements du seuil correspondant au seuil d’information et de recommandation de l’arrêté du 7 avril 2016, dépassements qui, outre qu’ils ont été répétés en Lombardie au cours de la période objet de l’étude, conduiraient s’ils survenaient en France, à l’application du dispositif prévu par l’arrêté du 7 avril 2016 qui concerne précisément, ainsi qu’il a été dit, les mesures à prendre pour limiter la survenue et la durée de ces dépassements.” Conclusion : “Il résulte de tout ce qui précède que, sous réserve que l’État assure strictement les obligations, y compris préventives, il n’apparaît pas que son abstention à prendre, hors des hypothèses prévues par l’arrêté du 7 avril 2016, des mesures de réduction des activités agricoles susceptibles d’émettre des particules PM10 et PM2,5 constitue, en l’état de l’instruction et des éléments produits par l’association requérante, une atteinte grave et manifestement illégale aux droits au respect à la vie et à la protection de la santé. Par suite, la requête de l’association Respire doit être rejetée.”
J-PP