L’antidote : Se souvenir des bons moments « Si peu de chose» (Par Jean-Paul Pelras)

Les souvenirs nous offrent ce qu’ils ont de meilleur. A moins que ce ne soit ce que nous avons de plus beau à leur prendre, quelque part du côté de l’enfance où le sortilège ne s’est pas encore éventé. Avec le printemps et ses parfums millénaires, nous retrouvons ces sentiers que l’on croyait refermés et cette lumière qui correspond exactement à celle que nous avons laissée dans une clairière abandonnée, sous le préau d’une ferme ou à l’ombre du marronnier. Il faudrait pouvoir retrouver ce concentré d’odeurs, de visions, de saveurs comme le chimiste parvient à capturer l’absolue, extrait final avec lequel il va fabriquer son parfum. Ceux qui y parviennent ont certainement découvert, comme l’écrivait Corneille, cette obscure clarté qui tombe des étoiles ou, comme Baudelaire, celle de nos étés trop courts. Tout cela tient pourtant à si peu de chose : Un salon de jardin abandonné sous les frondaisons d’un tilleul dans un jardin de campagne ou la glycine a envahi la vieille véranda. L’odeur du crésyl ou celle de la graisse agricole dans une droguerie de sous-préfecture. Un parasol « Miko » à la terrasse d’un petit bistrot. L’omelette aux cèpes, la table en formica, le quart de rouge, le verre à moutarde. Le café servi dans une tasse vert foncé avec son liseré or. L’agriculteur en salopette bleue, casquette relevée sur le front qui vient acheter son paquet de gitanes maïs. Les volets entrebâillés et l’impression d’avoir toujours vécu sur le bon versant de la réalité.

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