Les “gros mots” de Jean-Paul Pelras : Le couteau
C’est une expérimentation qui a débuté dans une douzaine de juridictions. Elle concerne les détenteurs d’armes blanches de catégorie D. Parmi lesquelles le couteau. Une fois contrôlé sur la voie publique, le possesseur dudit surin, devra donc acquitter entre 400 et 500 euros de contredanse. Selon nos confrères du Figaro « les services de police et de gendarmerie ont reçu une note de la Direction des affaires criminelles et des grâces (DACG) du ministère de la Justice, datée du 12 avril dernier et annonçant que le « port/transport d’arme de catégorie D » (précisément celle des couteaux et autres armes tranchantes), ne serait bientôt plus sanctionné, de façon courante, que par une simple amende. (…) Cette infraction entraînait jusqu’alors automatiquement, s’agissant d’un délit, un passage au poste, avec, en principe, garde à vue à la clé. »
Que faut-il entrevoir derrière cette décision ? Peut-être, pour commencer, un relâchement de l’État vis-à-vis d’une délinquance juvénile (ou pas) de plus en plus prompte à sortir le canif et à piquer, voire à occire, tout ce qui bouge pour un téléphone portable, une remarque ou un simple regard. La recrudescence des agressions, y compris mortelles, ces derniers temps serait-elle devenue impossible à juguler pour que le pouvoir se contente d’une simple amende. Laquelle risque, de surcroît, de ne jamais être acquittée.
Autre aspect du problème qui suscita quelques interrogations dans la galaxie paysanne et rurale notamment : qui va être concerné par ce genre de contrôle ? Les archers du Roy vont-ils également sanctionner l’agriculteur et l’artisan, traditionnellement détenteurs du Laguiole ou de l’Opinel, compagnons de poches et de vide-poches depuis plusieurs générations ? La question mérite d’être posée car, si la loi doit être étendue à l’ensemble du territoire, il faudra peut-être établir un distinguo entre celui qui travaille plus de 70 heures par semaine, qui découpe la tranche de saucisson sur l’aire d’un pouce, assis à l’ombre d’un chêne car il aura bien mérité quelques instants de repos et celui, en général beaucoup moins matinal, qui n’a pas tout à fait la même notion du travail. Ou comment le législateur va devoir clairement se positionner sur le curriculum vitae de l’utilisateur. Sachant que les premiers se transportent rarement équipés d’armes lourdes au volant de voitures béliers pour libérer ceux qui trafiquent et assassinent en toute impunité.
Que des mesures coercitives, répressives et, espérons-le, dissuasives soient prises à l’encontre de ceux qui utilisent un couteau pour des raisons « non professionnelles ou alimentaires » relève de la nécessité absolue, c’est un fait indiscutable. Et ce, y compris avec des contrôles effectués jusqu’au fond des cartables où ce genre d’objet a parfois un peu trop tendance à remplacer livres et cahiers. Mais les circonvolutions d’une loi étant souvent mal définies, il faudra, à n’en point douter faire preuve de « discernement sociétal ». Là, dans ce pays et sans plus tarder, quand beaucoup d’entre nous se demandent désormais où tout cela va s’arrêter !