Des gardiens pour la Têt ? N’en jetez plus ! (Par Yann Kerveno)

Un projet qui sera présenté la semaine prochaine vise à doter la Têt d’une personnalité juridique lui permettant d’ester en justice…

Voilà une affaire qui ne va pas détendre les passions autour de la Têt. Alors que France Nature Environnement (FNE) a attaqué l’État sur la question des débits réservés en l’accusant de laxisme, voici que surgit un projet de donner des droits au fleuve. Projet porté par le mouvement de Philippe Assens, En Commun 66 et le mouvement national « Notre affaire à tous ». De quoi s’agit-il ? De démarches qui sont déjà à l’œuvre ailleurs qui visent à protéger les fleuves et rivières en leur conférant une personnalité juridique. Pour cela, les protagonistes ont écrit une « déclaration du fleuve Têt » qui sera présenté le 26 novembre prochain, et les élus du département invités à rejoindre la liste des signataires.

Jour sans pain.

Le procédé s’inspire d’actions déjà menées dans d’autres contrées, en France, il en est question pour la Loire ou le Rhône, mais aussi de manière plus ancienne en Amérique du Sud, en Bolivie ou en Équateur où des rivières ont été dotées de personnalités juridiques, face en particulier aux appétits des exploitants de minerais ou aux aménageurs de tout poil. Pour autant cela n’a pas eu pour l’instant beaucoup de conséquences juridiques, si ce n’est d’attirer l’attention sur telle ou telle problématique locale. Dans le long document qui compose cette déclaration que nous avons pu consulter alors qu’elle n’a pas été adressée à l’Agri (alors que d’autres médias en ont visiblement été destinataires), les auteurs regrettent que la Têt ne bénéficie d’aucun statut particulier de protection (en dépit de la présence de 81 Zones naturelles d’intérêt faunistiques et floristiques, 5 zones importantes pour la conservation des oiseaux, 7 réserves naturelles sur son bassin-versant…), qu’elle ne bénéficie que d’un simple contrat de rivière et non d’un schéma d’aménagement et de gestion des eaux…

Bientôt des gardiens ?

Puis le texte mélange un peu toutes les problématiques alertant de nouveaux sur les risques qui pèsent sur la nappe du pliocène, problème évoqué encore récemment dans ces colonnes, prévient que la Têt serait menacée par les deux barrages érigés sur son tracé aux Bouillouses et à Vinça, que la ripisylve n’est pas entretenue correctement… Le catalogue des récriminations est long comme un jour sans pain. Au final que réclament les auteurs du projet ? Que le fleuve soit considéré comme une entité vivante et indivisible de la source à son embouchure, qu’il hérite en conséquence d’une série de droits donc celui d’ester en justice si besoin. Et c’est là que c’est croquignolet, le diable se cache toujours dans les détails, le fleuve sera doté de « gardiens » nommés ultérieurement (le mode de désignation n’est pas précisé) qui pourront réclamer réparation du préjudice subi par la Têt et recevoir « une compensation qui sera utilisée pour le propre bénéfice du fleuve. » Le tout bien sûr, « sans nuire aux activités humaines existantes » Quand on connaît l’épaisseur de la législation sur l’eau, et le nombre d’intervenants sur la gestion des cours d’eau, les possibilités de recours… On est tout de même en droit de se demander si un interlocuteur supplémentaire est vraiment nécessaire sur ce dossier à la place d’un travail de lobbying bien fait (mais qui ne se voit pas) ?

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