C’est l’été, il fait chaud. Et alors ! (Par Jean-Paul Pelras)

1969, j’avais 6 ans. Les papillons de nuit dansaient sous les cocons des lampadaires et les voisins, fenêtre ouverte, regardaient Interville à la télévision. Guy Lux s’adressait à Léon Zitrone. L’écran était en noir et blanc et nous ramassions, sur le goudron encore chaud, des hannetons à corne dans des petites boites à bonbons. Un peu plus loin, à l’angle de la rue, les vieux sortaient leurs chaises, rassurants, comme s’ils allaient rester. Celles et ceux qui se réunissaient à la nuit tombée pour « prendre le frais » devant leurs portes ont disparu pour la plupart. Elles s’appelaient Marguerite, Dorothée, Charlotte, Cilette, ou Marie. Ils s’appelaient Jean, Marcel, Emile ou François. Elles portaient des habits de deuil ou des tabliers à pois, avec souvent une pèlerine jetée sur les épaules ou un gilet posé sur les genoux. Ils chaussaient des pataugas déformés par les cors. Et la terre de nos jardins, comme une poussière de cendre jaune, recouvrait un peu leurs espadrilles délavées. Je me souviens assez facilement de leurs visages, avec leurs masques de « comédiens » qu’ils ne retiraient jamais. Je me souviens de leur peau boucanée et durcie creusée de rides profondes, avec ce regard tantôt malicieux, tantôt déjà tourné vers d’inavouables certitudes. C’était au bout de la rue du Parc, à Villeneuve la Rivière, en Ribéral, dans le Midi. On nous envoyait acheter des “Miko” au Café de la Place, chez monsieur Casalonga. Le village était encore niché au milieu des vignes et des champs d’abricots. L’air exhalait toutes les odeurs funestes et voluptueuses de cette terre qui nous vit grandir sous les platanes et près des ruisseaux. Nous croisions intimidés quelques estivantes en mini-jupe, mon père regardait Don Camillo à la télévision et, penchés sur leurs guidons, « les grands » frimaient dans le vacarme des Malaguttis. Rien ne semble avoir changé. Et pourtant, de nos jours, certains trouvent qu’il fait trop chaud en été. Un peu comme si, pour paraphraser Paul Valery, le futur ne doit plus être ce qu’il a été.

 

2 réflexions sur “C’est l’été, il fait chaud. Et alors ! (Par Jean-Paul Pelras)

  • 16 juillet 2023 à 19 h 03 min
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    Ben oui, des jeunes sortis des grandes écoles nous rabâchent qu’il fait toujours plus chaud, pendant que les anciens savent ou se mettre à l’ombre depuis le temps qu’il fait chaud l’été, comme tous les étés, c’est seulement la saison.

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    • 21 juillet 2023 à 10 h 48 min
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      Parce qu’il ne fait pas de plus en plus chaud, de plus en plus souvent, avec des températures de plus en plus extrêmes ? Les canicules qui s’enchainent ne représenteraient rien parce qu’une fois, en 1976, il a fait chaud ?
      Qu’est ce qu’on a à tourner le dos à la science pour lui préférer les avis de comptoir ?

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