Il était de ceux que l’on garde près de soi, un peu secrètement, car méconnus et pourtant si talentueux, si nécessaires. Henri Tachan vient de nous quitter sur la pointe des pieds (et dans l’indifférence médiatique) à l’age de 83 ans.  J’avais écrit ce  texte voici une dizaine d’années.

Tachan

« Ça doit être bien d’être de quelque part. D’en partir et puis d’y revenir, quand on est de nulle part » Ainsi parlait François Béranger, chanteur qualifié de libertaire, né en août 1937 à Amilly dans le Loiret et décédé, 66 ans plus tard, à Sauve dans le Gard. Depuis, plus rien, ou presque, sur ce grand bonhomme. Du moins dans ce monde où le veau d’or des ritournelles se contente de reprises bon marché pour conduire ses transhumances, sur les rouges canapés dominicaux et dans quelques cathodiques lâchers nocturnes lutéciens.  Mais, à bien y regarder, inutile de passer ad patres pour être banni du projecteur des saltimbanques. Ayons, à ce titre, une pensée pour  Graeme Allwrigth qui nous fit rêver avec « Suzanne » de Léonard Cohen, et chanter, entre deux permissions sur la banquette en moleskine d’un buffet de gare « Il faut que je m’en aille » ou « Jolie bouteille »  Et puis il y a Tachan, l’inclassable qui n’aime ni les bourgeois, ni les pandores, ni les plumitifs suffisants, ni les gradés, ni les prélats. Henri Tachan, celui que Brel himself avait encouragé à monter sur scene. Celui qui mériterait bien encore quelques standing ovations. De celles qui nous réconcilient avec l’insolence des grands jours. De celles qui, comme au temps de Rimbaud, nous poussent à soulever les tapis pour révéler, l’espace d’un couplet, la misère qu’ils dissimulent. « Les z’hommes », « Ma femme », « Une pipe à pépé », « La table habituelle » ou encore « Les yeux »  Oui, « Les yeux », souvenez-vous :  « Les yeux à-la-Margot-qui-crève ou qui s’allume. Les yeux si beaux-Garbo, au cinoche de ma plume »