Canal de la Plaine La Lentilla : “Cette nouvelle digue, c’est une véritable passoire…” [par Thierry Masdéu]
“En raison d’une importante panne sur le réseau du fait du faible débit dans les cours d’eau, nous vous informons que le réseau va connaître des problèmes dans les jours à venir sur tous les secteurs…” Dans son dernier post sur Facebook du 22 août dernier, l’ASA du canal de la Plaine La Lentilla informait ses adhérents que le service de l’acheminement de l’eau présenterait une faible pression, accompagnée de coupures importantes.
Un dysfonctionnement, situé au point de captage en amont du barrage de Vinça, qui n’est pas encore totalement résolu et qui, selon les gestionnaires de l’ASA pourrait l’être facilement. En ligne de mire, les travaux de reconstruction de la digue, achevés fin 2022, au lieu dit “Mas del Rat” que la tempête Gloria a emportée sur son passage. “Actuellement, cette nouvelle digue, c’est une véritable passoire, l’eau se perd et elle n’est pas suffisamment étanche pour nous garantir une retenue suffisante, nécessaire au fonctionnement des pompes !” témoigne avec préoccupation Henri Vidal, président de l’ASA, qui souhaiterait que le Département des P.-O., maître d’œuvre, complète ces travaux par un colmatage de la digue. “La problématique, c’est que le niveau actuel de l’eau étant en-dessous de la ligne minimale de profondeur, il nous manque juste 1 m, la crépine et même la pompe radeau acquise après la tempête restent hors d’eau !”
Une demande qui ne semble pas convenir aux services en charge de missions des barrages, milieux aquatiques et ressource en eau du Département des P.-O. En effet, dans un courriel reçu par l’ASA le 29 août dernier, l’institution notifie : “Le seuil du Mas del Rat, emporté par Gloria et reconstruit fin 2022, n’est pas un « seuil régulateur de la hauteur d’eau » mais un seuil d’arrêt des matériaux construit en même temps que le barrage afin d’éviter le comblement de la retenue (tout comme le seuil de la Soulane où il y a la prise d’eau de Marquixanes). Ainsi, l’objectif n’est pas qu’il soit étanche pour entrainer une retenue d’eau en amont, mais bien qu’il retienne les sédiments au fil du temps et des crues”.
Pêche et agriculture : inégalités de traitement
Mais le temps d’attente que la sédimentation se forme et vienne colmater naturellement la digue est inacceptable pour le président de l’ASA qui parle de déstabilisation de la mission dont l’entité a la charge. Rappelant que cela porte atteinte aux 1 600 adhérents, aux 600 hectares de cultures et à l’investissement financier pour la création et les aménagements réalisés autour de la station de captage. Confiant, il espère que lors d’une prochaine réunion avec la conseillère départementale du canton, la raison et le bon sens paysan seront au rendez-vous.
Pour l’heure, la solution de secours mise en place par l’ASA ne permet pas, avec ses 200 litres secondes de captage, un rendement optimum des pompes pour acheminer l’eau vers le bassin gravitaire de Joch. Un dispositif qui, rappelons-le, est prioritairement alimenté par le cours d’eau de La Lentilla lorsque les débits réservés de celle-ci le permettent. Mesures de la loi sur l’eau pour préserver le milieu halieutique qui, selon Henri Vidal, auront comme conséquence une augmentation significative du prix de la taxe d’arrosage. “Mine de rien, cela va représenter un surplus de 200 € l’hectare ! Jusqu’à présent, nous étions à 260 € et en mars prochain, le coût devrait avoisiner aisément les 500 € !” souligne avec agacement le président. “On respecte la biodiversité et l’environnement mais, en attendant, les plus lourdement impactés en taxe ce sont toujours les agriculteurs ! Les pêcheurs s’acquittent uniquement de leurs cartes de pêche et ont des poissons !” Une contestation des inégalités de traitements concernant les usages de l’eau que la persistance de la sécheresse n’a pas fini d’attiser.
Le canal de la Plaine La Lentilla est alimenté par le cours d’eau La Lentilla qui prend sa source dans le massif du Canigó, au lieu dit “La Coma de Sant Jaume” et plus récemment par une unité de captage en amont du barrage de Vinça. L’ASA qui en a la gestion recouvre les communes de Joch, Finestret, Rigarda et Vinça. Cette étendue de plaine, appelée communément “La Baronnie” représente environ 600 hectares de cultures. Elle assume aussi l’acheminement pour l’eau potable et le renouvellement de l’eau de la retenue des Escoumes, espace de loisirs aquatiques à Vinça. Après l’achèvement du barrage de Vinça, elle a entrepris, en 1980, grâce à son réseau gravitaire (dont le bassin réceptacle se situe à Joch), la mise en place du premier réseau d’irrigation sous pression goutte à goutte des P.-O. |