Boulangeries : les 36 kVA : un critère “électrique” de puissance contesté et injustifié ! [par Thierry Masdéu]

L’actualité sur les tensions explosives qu’engendre la réforme des retraites ne doit pas pour autant occulter celle de l’augmentation des tarifs de l’électricité. Dossier tout aussi brûlant qui handicape l’activité économique d’un bon nombre d’entreprises artisanales dont les compteurs électriques dépassent les 36 kVA.

Même si la panoplie de mesures d’accompagnement pour les TPE, mise en place par Bercy, allège une partie de leurs factures énergétiques, le surcoût est tel que le reste à charge pour une majorité d’entre elles est difficilement assumable. D’autant que les entreprises non éligibles au bouclier tarifaire, ou encore de plus de 10 salariés, n’ont plus une entière confiance en leurs opérateurs d’énergie. Notamment dans l’application de “l’amortisseur électrique” qui ne figure pas systématiquement sur leurs factures, alors qu’elles ont au préalablement effectué des démarches en leur adressant une attestation d’éligibilité(2).
C’est le cas dernièrement pour “La Boulangerie de Romuald”, à Salses-le-Château, de Romuald Cérézo, président de la Fédération de la boulangerie et boulangerie-pâtisserie des P.-O. “Habituellement, ma facture électrique représentait sur deux mois 3 000 €, la dernière en date, pour une même période, est de 17 304 € ! Après plusieurs contestations, j’ai reçu par texto des excuses d’EDF me formulant une erreur de leur part dans la prise en charge de mon amortisseur électrique” témoigne, désabusé, ce représentant départemental de la profession, rappelant que cet amortisseur électrique ne représente que 20 % de baisse sur une facture qui, au passage, a pris 475 % d’augmentation.

Facture électricité boulangerieUn surcoût à régulariser pour lequel, dit-il, il va devoir solliciter un nouveau prêt à sa banque. “Mon cas n’est pas unique, mais le plus grave dans tout ça, c’est qu’il y a des boulangers au bord de la crise de nerfs, qui n’arrivent plus à se rémunérer 1 000 € par mois pour honorer leurs crédits ou leurs découverts et je crains des situations dramatiques, voir des gestes désespérés !”

Adopté en première lecture à l’Assemblée nationale contre l’avis du gouvernement…

Un contexte difficile que Romuald Cérézo souhaiterait voir se résoudre rapidement grâce à l’élargissement au TPE du bouclier tarifaire appliqué aux particuliers. En effet, depuis le 1er février dernier, et dans le cadre de l’examen de la proposition de loi sur la nationalisation d’EDF, un amendement déposé par le député PS Philippe Brun, et adopté en première lecture à l’Assemblée nationale contre l’avis du gouvernement, pourrait être retenu pour intégrer les entreprises au tarif réglementé de vente d’électricité (TRVE). La mesure, qui doit être prochainement étudiée par le Sénat, serait, à titre exceptionnel, applicable pour une période allant du 1er janvier au 31 décembre 2023. Très attendue, elle efface de son texte ce frein des 36 kVA pour l’élargir à une puissance inférieure ou égale aux 250 kVA. Ce critère visant à supprimer le plafond de puissance électrique de 36 kVA, le sénateur LR Fabien Genet, avec l’appui de 38 de ses collègues, en avait déjà été l’instigateur lors d’une proposition de loi déposée au Sénat en première lecture, le 23 décembre 2022 (voir encadré).

“Normalement, elle doit être étudiée le 6 avril prochain par le Sénat. Pour l’instant elle a été renvoyée à la commission des finances pour examen et nous n’avons toujours pas le rapport de cette commission qui va donner un peu le “la”. Car selon le sort que le rapporteur va réserver aux différentes dispositions contenues, on devinera un peu quelle sera la tendance au Sénat” évoque avec certaines incertitudes le sénateur, rappelant que lors de la transposition de la directive européenne de 2019, c’est le législateur français qui a usé d’une surtransposition en incluant ce critère de puissance des 36 kVA. “Aussi, il faut être très prudent et ne pas laisser croire que dès le 6 avril tout va être réglé, car c’est beaucoup plus complexe que ça !” Une carte de la dernière chance pour bon nombre d’entreprises qui espèrent que le tissu économique artisanal sera préservé par un mouvement de solidarité de l’ensemble du Sénat. À suivre… 

Extraits du texte des motifs exposés par le projet de loi :

Ce critère de puissance maximale (correspondant aux anciens tarifs bleus d’EDF) vient limiter encore plus l’éligibilité des consommateurs aux TRVE que ne le prévoit la directive européenne. En effet, la directive ne limite pas cette éligibilité aux sites de ces consommateurs raccordés sous une puissance inférieure ou égale à 36 kVA… 
Ce critère de puissance n’est que le fruit d’une surtransposition du droit européen en droit français, venant restreindre le périmètre des consommateurs éligibles plus que nécessaire. Aujourd’hui, cette surtransposition a pour effet d’exclure du champ d’application des TRVE tous les sites de plus de 36 kVA de puissance souscrite, y compris ceux des consommateurs qui remplissent les deux conditions par ailleurs exigées, ce qui est le cas notamment de très nombreux artisans, en particulier des boulangers et des bouchers pour l’alimentation électrique de leurs fours et de leurs chambres froides. Elle est très pénalisante à la fois pour certaines collectivités territoriales et pour les petites entreprises qui se doivent de faire face à l’explosion des tarifs libres. Dans le contexte de tension des prix de l’énergie et face aux difficultés rencontrées par les acteurs économiques et les collectivités territoriales, il n’y a pas de raison de garder ce critère limitatif.

 

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