Banyuls : élection sur fond de clivage viticole [par Yann Kerveno]
Le syndicat du cru Banyuls se cherche une nouvelle équipe dirigeante.
Après les démissions fracassantes de Georges Roques puis de Romuald Peronne, ainsi que d’autres membres du conseil d’administration il y a quelques semaines, le Syndicat du cru Banyuls doit renouveler son équipe dirigeante sur fond de crise. Avec d’un côté, pour dresser un portrait à l’emporte-pièce, ceux qui voient le futur de l’appellation dans le haut de gamme qui rémunère correctement les producteurs, par le marché et, en face, le camp de ceux qui veulent d’abord s’appuyer sur la préservation du paysage pour faire survivre l’appellation. On ne dira pas qu’il y a urgence, mais la situation est inquiétante depuis plusieurs années, avec un vignoble en recul sensible, 50 ha par an, il en reste peu ou prou 1 500 ha, et des ventes également en retrait, 5 000 hl perdus en 5 ans sur une trentaine de milliers d’hectolitres. Au cœur de ces élections, il y a le rôle de Reconquesta, opération de financement participatif lancée cette année pour partir à la reconquête du vignoble de Banyuls et celui du syndicat, seul garant de la légalité pour les uns, unique moteur de la cohésion de l’appellation et de son développement pour les autres. Alors que le vote pour le conseil d’administration se déroule par correspondance, une seule candidature est officiellement déclarée pour la présidence du cru, celle de Romuald Peronne, chef de file des vignerons indépendants du secteur.
Quatre axes pour un projet
Non officielle, la candidature de Bernard Pech, qui a refusé de répondre à nos questions à ce sujet, préférant évoquer son projet “après avoir été élu”, ne fait toutefois guère de doute. Du côté des vignerons indépendants, on préfère parler de projet, plutôt que de bagarre d’hommes, comme l’explique Romuald Peronne. Un projet qui tient en quatre points majeurs pour un nouveau départ. Le premier c’est la valorisation des marques Collioure, Banyuls et Banyuls Grand Cru. “Nous proposons d’interdire la communication sur des vins dont le prix serait inférieur à 15 euros le col” explicite le vigneron, qui estime que la survie du vignoble ne peut passer que par des marges plus importantes pour rémunérer les producteurs… Le deuxième point qu’il met en avant, c’est la cohérence syndicale et le fait que le cru doit accepter, une fois les décisions actées, de parler d’une seule voix. Troisième point, axer la communication sur des éléments positifs, la qualité des vins, du cru, plutôt que sa déchéance. Enfin, figure au programme la pérennité de l’existence du syndicat Banyuls contre l’éventualité d’une dissolution dans les Vins du Roussillon.
Ce projet sera présenté dans les jours qui viennent aux trois coopératives de l’appellation avant l’élection du nouveau bureau sous quinze jours. Pour Jean-Pierre Sentene, président de la cave de l’Étoile, l’heure n’est pas à la politique alors que la cave est frappée par un cluster de Covid-19.
Économie contre paysage ?
“Ce n’est pas fondamental en ces jours que ces histoires de syndicat, nous avons la Covid, la crise économique” plaide-t-il. “Mais ce dont nous avons besoin là, c’est d’une équipe qui sache rassembler, pas de personnes clivantes, on sort d’une période difficile durant laquelle le président et le vice-président du syndicat ont démissionné parce que le syndicat ne fonctionnait pas. C’est assez étrange” ajoute-t-il. Du côté du GICB, la cave qui pèse le plus lourd en nombre d’administrateurs au conseil du syndicat, c’est encore une autre approche qui prévaut. Son président, Laurent Barreda, explique : “Nous avons des points de vue différents, pour les vignerons indépendants, ce sont les ventes de bouteilles qui sauveront l’appellation, nous, on a plutôt tendance à penser que ce sont les paysages et l’attraction qu’ils génèrent…” Le clivage est là.
Et Reconquesta, accusé de phagocyter le syndicat, figure au milieu du gué. “La question se pose pour la promotion du cru, en effet, est-ce le rôle du syndicat, comment, avec ou sans Reconquesta ? Reconquesta est un projet collectif, donc je pense que ce doit aussi être un projet du syndicat.”