Mal-être agricole : la MSA Grand Sud redouble sa vigilance ! [par Thierry Masdéu]

La semaine dernière, le coordinateur national interministériel du Plan de prévention du mal-être en agriculture au sein de la CCMSA, Olivier Damaisin, était en visite de terrain dans l’Aude et les Pyrénées-Orientales.

Baptiste et Claude Clarimont, éleveurs ovins-bovins et viticulteurs à Fourques, sur un de leurs champs réduit à l’état de chaume.

Une feuille de route qui l’a mené, pour la partie audoise, des exploitations viticoles de Stéphane Auzolle et Henri Serral à Portel-des-Corbières, à celle de l’éleveur de brebis Yannick Moreno à la Bastide-Esparbaireque. Un circuit qui s’est prolongé, le lendemain, en terres catalanes sur les parcelles fourragères et viticoles asséchées de Claude et Baptiste Clarimont, à Fourques, où nous l’avons rencontré… Périple qui s’est achevé après une réunion d’information avec le préfet en partance, Rodrigue de Furcy, par la visite de la coopérative de fruits et légumes Teraneo à Saint-Hippolyte. Accompagné d’une délégation de dirigeants de la MSA Grand Sud, de responsables d’organisations professionnelles agricoles et de représentants de l’État, Olivier Damaisin a prêté une oreille particulièrement attentive aux problématiques liées à l’urgence de la sècheresse, ses conséquences et aux solutions qui peuvent être déployées. Objectif : prévenir et accompagner dans la difficulté les agricultrices et agriculteurs fragilisés par le manque d’eau.

Olivier Damaisin.

“Je suis là pour apporter du soutien, démontrer aux exploitants qu’ils ne sont pas seuls et que le Gouvernement a pris la mesure de la situation. Durant ces deux journées de constatations et d’échanges, j’ai bien pris note de l’ensemble des messages et idées pour faire remonter les bonnes informations dans les différents ministères” souligne avec bienveillance le coordinateur national, qui a aussi mis l’accent sur la gestion de l’eau. “On s’aperçoit qu’elle est compliquée, on se rend bien compte qu’il y a eu un avant et que l’après semble incertain… Là, on en a la preuve maintenant ! Aussi, le présent doit permettre de mieux réorganiser cette ressource et envisager de faire des lacs collinaires et des réserves d’eau pour pouvoir la stocker lors des gros afflux de pluie”. Un constat qui relance le bien fondé du projet d’irrigation des vignes sur le canton de Thuir notamment. Dossier toujours à l’étude, inscrit dans le Varenne de l’eau et pour lequel le Conseil communautaire des Aspres a sollicité le préfet, en février dernier, pour déclencher sa mise en action.

“Qu’est-ce qu’on attend ?”

René Paraire

Une des phases indispensables pour engager la procédure de consultation et d’enquête publique nécessaire à la création de l’ASA d’irrigation de l’Aspre. “Ce projet patine depuis plus d’une quinzaine d’années, apparemment les feux verts seraient en bonne voie, alors qu’est-ce qu’on attend pour avoir l’eau dans les Aspres ? Sans irrigation, on ne peut plus faire grand-chose sur ces terres, par contre, avec très peu d’eau, on peut en faire beaucoup ! Il faut sauver le patrimoine agricole de la zone, sinon nous allons disparaître dans des délais ultra brefs !” défend avec force René Paraire, vigneron à Terrats et président cantonal MSA des Aspres.

Des inquiétudes qu’appréhendent père et fils de la famille Clarimont, cinquième génération d’exploitants agricoles sur la commune de Fourques. En particulier pour le maintien de leurs cheptels de 90 ovins et 60 bovins dont la majorité pâturent actuellement en estive sur la commune d’Oms, moins touchée par la sècheresse. “Une bonne partie de notre autonomie fourragère est bien compromise et sur la cinquantaine d’hectares de semis que l’on réalise chaque année, nous n’avons fait aucune coupe, rien ! Nous ressèmerons cet autonome avec l’espoir que la pluie soit au rendez-vous cet hiver” évoque avec désolation mais combativité le fils, Baptiste, âgé de 23 ans, en désignant avec son père un de leurs champs réduit à l’état de chaume. “Certains éleveurs ont fait le choix de vendre une partie de leurs animaux, pour ma part cela serait dommageable car cela fait 3 ans que je me suis installé en GAEC avec mon père. L’année dernière, nous avons fait l’acquisition d’une vingtaine de bêtes et les revendre cette année n’est pas trop le but. Nous avons déjà fait rentrer des camions de foin et, au total, cela représentera une somme qui va avoisiner les 50 000 € !” Entre cette dépense imprévue à leur budget et un rendement qui s’annonce déjà incertain pour la vendange de leurs 18 hectares de vignes, la situation financière de la ferme pourrait rapidement devenir critique.

Autant d’aléas économiques et familiaux que les mesures du Plan de prévention du mal-être agricole peuvent accompagner pour prévenir et soutenir les exploitants en difficulté. Une écoute et des aides pour passer le cap, comme le souligne Arnaud Marty, référent mal-être MSA Grand Sud, “encore faut-il que les exploitants, qui n’ont pas pour habitude de se plaindre, ou leur entourage, osent nous informer des difficultés de leur situation, qu’elles soient économiques, morales, familiales ou sanitaires, avant qu’il ne soit trop tard !” Toutefois, grâce au réseau Sentinelle déployé et le numéro d’appel Agri’écoute, au 09 69 39 29 19, la MSA Grand Sud a enregistré, depuis mars 2023, 47 signalements, avec un risque potentiel de tendance suicidaire. 31 personnes dans l’Aude et 16 autres dans les Pyrénées-Orientales, un indicateur alarmant qui révèle l’extrême gravité dans laquelle des femmes et des hommes vivent leur vocation d’agriculteurs…

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