Au suivant !

“J’avais juste vingt ans et nous étions cent vingt à être le suivant de celui qu’on suivait. J’avais juste vingt ans et je me déniaisais au bordel ambulant d’une armée en campagne…” chantait Jacques Brel en 1964. Et voilà que, 54 ans plus loin, on reconvoque le bidasse, on repasse la vareuse, on redonne du clairon. “Le service national universel (SNU) devra bien être obligatoire” déclarait en février Emmanuel Macron devant les journalistes de “l’Association de la presse présidentielle” (et oui, ça existe…). Et puis voilà que l’on entend reparler de ce projet le 8 mai dernier sur RTL par la voix de la ministre des Armées. Laquelle fait référence à un rapport qui évoque une “phase d’expérimentation” pouvant concerner 400 jeunes volontaires. Dans la foulée serait mis en place un SNU modulable avec une période de un mois obligatoire après la classe de troisième (entre 15 et 18 ans), dont un “temps de cohésion” de 15 jours en hébergement pendant les vacances scolaires portant sur le développement personnel, la résilience, les droits et devoirs dans la République, l’esprit de défense… Viendraient ensuite 15 jours basés sur un projet collectif qui concernerait des fractions de 80 000 jeunes. Puis, pour une durée de 3 à 6 mois et pour les moins de 25 ans, une seconde phase “d’engagement volontaire au service du pays” qui pourrait donner lieu à une indemnisation dans l’armée ou dans le civil. Pour surmonter les problèmes d’hébergement durant le SNU, les rapporteurs suggèrent d’utiliser les internats de l’Éducation nationale, les centres de logement étudiant, les centres de loisirs et la construction de bâtiments “durs légers”. Un coût estimé à 1,75 milliard d’euros sur sept ans. À partir de 2027, une fois les investissements réalisés, le budget de fonctionnement pour la phase obligatoire d’un mois serait de 1,6 milliard d’euros par an. Pile-poil le montant qui correspond à l’augmentation annuelle prévue pour le budget des armées d’ici 2022, alors que celui-ci sera de 34,2 milliards d’euros en 2018.

Où va-t-on héberger la jouvencelle soldatesque ?
Nonobstant la question qui consiste à apprendre d’où l’on va sortir les sous pour entrainer, former et surtout héberger la jouvencelle soldatesque, reste à savoir si ce nouvel élan patriotique sera autorisé par la loi. Le rapport prévient à ce titre : “L’état actuel du droit constitutionnel semble interdire à l’État d’imposer une obligation de séjour d’un mois à l’ensemble d’une classe d’âge”. Tout n’est pas perdu s’exclameront les antimilitaristes en grattant sur leur guitare “Jusqu’à la ceinture” de Graeme Allwright (91 ans en novembre prochain). Rien n’est gagné, diront quant à eux ceux qui sifflaient Gainsbourg quand il évoquait le sable chaud des légionnaires.
Enfin et peut être surtout, se pose la question de la pertinence. Avec, d’un côté, une armée de métier qui, depuis des années et dans un contexte d’insécurité croissante, dénonce un manque de moyens permanent. Et, de l’autre, cette expérience qui va tomber, pour ainsi dire, comme un cheveu sur la ration, pendant les études, l’accès à l’emploi et la formation.
Car si notre société regrette le temps où le service militaire inculquait certaines valeurs, nous sommes bien loin du romantisme de ces Trente glorieuses où l’on croisait des militaires en permission dans le couloir des wagons-lits. Avec, au champ comme à l’atelier, des employeurs qui pouvaient encore se permettre d’attendre le retour de l’ouvrier ou celui de l’apprenti.

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