Tassin, Chef et Pithivier
Dans les garrigues, chaque dimanche matin, depuis presque 30 ans, ils chassent ensemble le petit gibier. Plus qu’une passion, il s’agit là d’une histoire d’amitié, d’un bon moment passé à échanger à l’abri des roseaux et de ces oliviers qui sèment leurs crottes de biques à l’orée des chemins blancs. Ils peuvent vous parler, sans que les coutures ne se voient et parce qu’ils y ont grandi et travaillé, de ce théâtre antique aux contours écrasés de lumière, de cette mosaïque ruiniforme, de ces ravins asséchés, de ces murettes effondrées, de ces casots sentinelles, de cette décrépitude méditerranéenne jonchée d’écailles et de galets, de cet espace minéral, épique comme Homère, tragique comme Sophocle. Ces trois-là, car ils ont peut-être quelques points communs avec les protagonistes de “La Septième compagnie”, se surnomment entre eux Tassin, Chef, Pithivier. Et le moment qu’ils affectionnent le plus n’est pas forcément celui où ils vont tirer la perdrix, mais celui où il faut se sustenter en bonne compagnie. Comprenez, la grillade étant désormais prohibée, avec un peu de charcuterie, de boudin, de jambon, quelques terrines et une rasade de picton local non aromatisé au jus de kiwi. Un art de vivre en quelque sorte comme l’était celui du jeune Pagnol suivant son père et l’oncle Jules à la chasse aux bartavelles.
Bien loin des bartavelles et des perdreaux… la Cité des Oiseaux
Seulement voilà, ma bonne dame, les traditions se perdant plus vite que les coups de pieds au cul, ce modus vivendi, cher à nos anciens et à tous ceux qui ont fait ce pays, semble désormais bien révolu. J’en veux pour preuve les deux argousins mandatés pour venir contrôler l’engeance cynégétique qui se sont pointés sur le coup de 9 h 30 équipés du verbiage adéquat et de la tenue appropriée. Au garde à vous, nos trois compères furent palpés, contrôlés des poches aux gibecières et sermonnés comme on chapitre un gangster. L’un n’ayant pas son permis sur lui, le second ayant oublié son carnet et le dernier ne portant pas son gilet. Nonobstant ces admonestations de rigueur, Tassin, Chef et Pithivier repartirent bredouilles et quelque peu interloqués en se demandant s’ils n’avaient pas rêvé.
Chemin faisant, tout en empruntant au bon sens qui les caractérise, ils
évoquèrent le paradoxe des procès-verbaux et le quotidien des habitants de la Cité des Oiseaux. Celle qui, bien loin des bartavelles et des perdreaux, héberge désormais ceux qui “contrôlent” tout un quartier perpignanais, qui en ont chassé les résidents, qui revendent de la drogue et qui entretiennent, commerce oblige, l’insécurité.
Oui, ils se sont demandé si tout cela était bien sérieux. Alors qu’à seulement quinze kilomètres de ces garrigues où l’on est venu contrôler trois amis qui perpétuent une tradition, en toute impunité sévissent quelques petits cons.