Alimentation animale : la filière avicole des Pyrénées-Orientales en difficulté [par Thierry Masdéu]

Comme nous l’évoquons depuis cinq semaines, la guerre que mène la Russie en Ukraine a déstabilisé le cours mondial des prix de l’énergie et des matières premières, fragilisant de nombreuses activités dont celle des producteurs de volailles.

L’aviculture, filière déjà bien impactée lors de la reprise économique post Covid-19, doit faire face aux nouvelles spéculations boursières, justifiées ou non, ainsi qu’aux sanctions et aux embargos forcés ou volontaires qui en découlent. L’histoire nous rappelle que l’alimentation peut tout aussi bien être une arme économique, de guerre et de paix. L’agriculture n’y échappe pas et cette nouvelle crise, qui oppose deux superpuissances agricoles, affaiblit les exploitations d’élevage dépendantes de céréales pour nourrir leurs cheptels. Blé, maïs, tournesol, tout comme pour les producteurs de porcs (voir L’Agri Nº 3810 du 17-03-2022), les éleveurs de volailles doivent faire face à la hausse du prix de ces principaux ingrédients qui composent l’alimentation animale. Sans compter les coûts de l’électricité, du gaz et des carburants, le poste “charges” de ces exploitations a atteint un seuil qui fragilise dangereusement les trésoreries et marges bénéficiaires.

Cyrille Duval, président du Syndicat des éleveurs palmipèdes gras et volailles des P.-O. au Mas de la Pedre Rodone à Salses le Château, avec Mégane Tock, ouvrière agricole.

Un constat qui alarme Cyrille Duval, président du syndicat des éleveurs palmipèdes gras et volailles des P.-O. : “La guerre en Ukraine est arrivée à un moment où la situation des prix était déjà tendue et l’enveloppe annoncée par l’État de 400 millions d’euros pour faire face à l’envolée du coût de l’aliment est dérisoire ! Entre juin 2021 et actuellement, nous avons eu sur l’aliment 25 % d’augmentation et on nous annonce prochainement d’autres hausses tarifaires !” souligne amèrement Cyrille, éleveur, avec sa compagne Cécile Guillaume, de 6 000 poules pondeuses au “Mas de la Pedre Rodone” sur la commune de Salses-le-Château. “D’autant que, comme pour la majorité des producteurs du département, nous exerçons une pluriactivité et ces aides, on n’en voit jamais vraiment la couleur !” témoigne dubitative Cécile. “Par exemple, lorsqu’il y a des aides pour les saisonniers, on n’y a pas droit parce qu’on a aussi des poules, et si il y a une aide pour survenir à une problématique avec les poules on en est exclu parce que l’on produit aussi des pêches !”

Hausses des coûts et spectre de la grippe aviaire

Des critères d’éligibilité qui vont à nouveau pénaliser les producteurs des P.-O. “Pour l’équité de tous, il faudrait des mesures garantissant des prix plancher et sortir les productions de céréales françaises (voir tableau) du carcan que constituent les spéculations mondiales, afin de retrouver, sur le marché, des prix raisonnables. Ensuite, pour les protéines végétales, que la France et l’Europe engagent une incitation à la production pour être moins dépendants d’autres pays comme l’Ukraine”, clame le président du syndicat qui alerte les instances politiques et agricoles sur la gravité du moment. “Aujourd’hui, il est urgent de déployer des aides directes et significatives pour subvenir aux besoins des éleveurs du département en achat d’aliments et d’énergie, comme ce qui a déjà été accordé pour le gasoil aux pêcheurs professionnels ! Il en va de la pérennité de la filière avicole et je crains que beaucoup de jeunes, qui se sont récemment installés en bio, ne puissent plus assumer les difficultés de cette nouvelle crise”.

Bien qu’il y ait une volonté de certains agriculteurs de vouloir mutualiser pour effectuer des achats groupés, la spécificité de l’alimentation entre les poules pondeuses, de chair ou les palmipèdes gras rend très difficile cette opportunité de réduction sur les prix d’achats, tout comme le serait la logistique du stockage. Une situation complexe pour la cinquantaine d’éleveurs de volailles des P.-O., à laquelle se greffe également la crainte d’une propagation de la grippe aviaire, qui engendrerait une rupture d’approvisionnement en poussins, poules pondeuses et surtout canetons. 

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