Adieusiatz Serge ! [par Jean-Paul Pelras]
La dernière fois que nous nous sommes téléphonés, c’était au début de l’automne pour évoquer le dogme des ONG environnementales. Évidemment, nous partagions le même sentiment d’inquiétude à l’égard d’une agriculture de plus en plus malmenée par les lobbies écologistes. Serge Vialette ne mâchait pas ses mots et il pouvait vous parler de son métier, de son pays, le Lauragais, sans que les coutures ne se voient. Nous avons évoqué ce jour-là le secteur des grandes cultures et l’acharnement dont cette activité est victime avec des reportages souvent à charge et une stigmatisation devenue inacceptable. D’autant plus inacceptable qu’elle est trop souvent cautionnée ou encouragée par certaines administrations. C’était l’autre combat de Serge parmi tous ceux qu’il a eu l’audace de mener durant sa longue carrière syndicale. Une carrière au cours de laquelle, en presque 30 ans, nous nous sommes bien évidemment croisés à de multiples reprises. Alors, bien sûr, nous n’étions pas toujours d’accord sur tout. Mais il savait écouter avec cette sensibilité qui demeure la part la plus profonde de l’homme. Au temps des heures rocambolesques, quand j’entretenais une certaine dissidence rue de la Baume ou de La Boétie, ce syndicaliste audois ne s’est jamais permis de me jeter la pierre, alors que d’autres, “plus au Sud” s’empressèrent de me claquer la porte au nez. C’est ce qui faisait la force de Serge Vialette, cette capacité à savoir écouter son interlocuteur, en plissant parfois les yeux sans jamais précipiter son jugement. Ensuite, nous nous sommes revus, lui du côté des paysans où il est toujours resté, moi du côté des journalistes où je fus contraint de migrer. Serge ne passait pas sa vie en représentation, il vivait ses passions franchement, là ou d’autres barbotaient dans l’abstrait. Il fut le grand témoin d’une époque où les paysans pouvaient encore combattre à mains nues contre les palinodies grotesques de la politique. C’est ce message, celui d’une certaine résistance champêtre, qu’il essaya de transmettre et de perpétuer avec d’autres fantassins audois non moins engagés. Au nom du journal L’Agri que tu as toujours soutenu, j’adresse nos plus sincères condoléances à ton épouse et à tes enfants. Voilà Serge, pour ce que tu as fait, pour ce que tu étais, où que tu sois désormais, que grâce te soit rendue.
Dans notre prochaine édition par la voix de ceux qui ont bien connu Serge Vialette, décédé vendredi dernier à l’âge de 62 ans, Arterris rendra hommage à celui qui fut l’un des fondateurs du groupe.