Putain de métier ! (Par Jean-Paul Pelras)

Putain de métier, répètent en boucle ces jours-ci celles et ceux qui ont une nouvelle fois tout perdu, car quelques petits degrés ont eu la mauvaise idée d’aller se balader au-dessous de zéro. Putain de métier, quand les rivières débordent et emportent tout sur leurs passages, car le paysan n’est plus autorisé à les nettoyer, quand le vent souffle un peu trop fort et arrache les bâches des tunnels ou des multi-chapelles, quand le ciel, plus souvent sans Dieu que sans nuages, menace les semis et les plantations, quand une neige lourde et inattendue fait s’effondrer des hectares de serres, quand la lumière pulvérulente de l’été dévore tout ce qui pousse dans les champs, dans les prés, dans les vignes, dans les vergers, quand une épidémie oblige à faire abattre le troupeau, quand la grêle en quelques minutes détruit une année de travail, quand le loup égorge l’agneau, quand les marchandises importées viennent usurper les marchés traditionnels, quand les contraintes administratives deviennent inadaptables et inadaptées, quand la maladie, l’insecte, le ravageur, les éléments ou les caprices du destin  ne laissent pas le temps de récolter, quand le dépôt de bilan pousse à l’irréparable ceux qui ne peuvent supporter l’inacceptable, quand les écologistes stigmatisent le paysan et dictent leurs dogmes pour faire accélérer la disparition de ce putain de métier.  Putain de métier où ceux qui veulent imposer un changement de modèle depuis Paris, ne connaissent de l’outil, ni l’usage, ni le prix.  Putain de métier que seulement 400 000 français osent encore pratiquer. 400 000 rescapés d’une érosion qui progresse un peu plus chaque année.

Après les beaux discours

Terrible ! Peut-être parce que les paysans ne sont pas en représentation, peut-être parce qu’ils ne confondent pas l’être et le paraître, peut-être parce qu’ils n’ont pas le temps d’idéaliser et de s’occuper des affaires des autres. Peut-être, tout simplement, parce qu’ils sont victimes de leur dignité ! Putain de métier où l’on a expliqué à leurs aïeuls voilà plus d’un siècle qu’il fallait mutualiser, cotiser, capitaliser… Putain de métier où ils regardent désormais filer les bénéfices des multinationales qu’ils ont eux-mêmes créées. Putain de métier où ceux qui sont censés le défendre confondent parfois défense et intérêt, dans le protocole de ses relations avec un pouvoir qu’il faut éviter de malmener. Putain de métier méprisé par ceux qui font pisser le chien dans le verger d’à côté, par ceux qui se servent impunément à la nuit tombée là où ils ne supportent plus, dans la journée, ni la mouche, ni la poussière du labour, ni le bruit de la benne à vendanger, ni le traitement, ni l’odeur du lisier. Putain de métier auquel, dans son immense mansuétude et à grands renforts de communication, l’Etat va accorder quelques deniers forcement dilués dans le grand boustrophédon des critères d’attributions. Putain de métier où, après les beaux discours et le temps des émotions, chacun le sait bien, les miettes de l’indemnisation seront, une fois de plus, proportionnelles à la franchise des considérations. A moins, mais nous pouvons toujours rêver, que, cette fois ci et les fois suivantes, ceux qui défendent ce « beau métier » et prétendent, dans les journaux ou devant les caméras de télévision, qu’il est impossible de s’en passer, décident une bonne fois pour toutes de le considérer pour ce qu’il est et pour ce qu’il fait.

Jean-Paul Pelras (Photo Yann Kerveno)

3 réflexions sur “Putain de métier ! (Par Jean-Paul Pelras)

  • 11 avril 2021 à 9 h 43 min
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    merci jean- paul pour tes éditos toujours très pertinents .l’accès que tu est arrivé à avoir aux médias nationaux est une magnifique reconnaissance ! . . .et surtout une chance pour le monde agricole et rural.On a tant besoin d’un homme comme toi sans compromission d’aucune sorte .
    très cordialement
    olivier Bertrand

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  • 11 avril 2021 à 10 h 55 min
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    en 2018 on nous annonçait des hivers sans neige en montagne et une planète qui se réchauffe rapidement ! Il est urgent d’arrêter cette mascarade criminelle, nous avons bien un dérèglement climatique majeur mais uniquement lié à la gestion de l’eau douce sur les continents : Le principal gaz à effet de serre c’est la vapeur d’eau (60%) quand le taux de vapeur d’eau est trop bas (sur des sols secs) les radiations infrarouges vers l’espace la nuit sont plus fortes et donc les températures baissent fortement ! Autrement dit il fait beaucoup plus froid au-dessus des sols secs parce que le taux de vapeur d’eau y est trop faible ! Les brumisateurs ou simplement de l’arrosage permet de limiter les dégâts, tout se joue à quelques degrés !
    Il faut de l’eau pour éviter le gel, il faut de l’eau pour éviter les sécheresses, il faut de l’eau pour éviter les canicules et les seuls à avoir l’intelligence de faire des réserves pendant l’hiver sont condamnées à deux ans de prison ferme …Dans 3 mois toute la France commencera les alertes sécheresses et ce sont les ZAD EELV qui vont fleurir à la place des réserves d’eau ! cherchez l’erreur !
    pas d’eau = pas de végétation = pas de vie et un climat qui se dérègle !
    cf https://www.mediaterre.org/actu,20210106085019,1.html

    Les sécheresses et les inondations ne sont pas des fatalités liées au dérèglement climatique mais le résultat logique d’une très mauvaise gestion des eaux de surface, Inondation c’est quand l’eau repart trop vite vers la mer, sécheresse c’est quand elle est repartie trop vite …

    Si on avait DEUX fois plus de précipitations on aurait DEUX fois plus d’inondations mais toujours pas assez d’eau l’été …Même les castors savent que pour avoir une continuité écologique sur les cours d’eau l’été il faut retenir l’eau l’hiver dans les bassins versants avec des barrages …

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