Offre de soins : les ruraux seraient-ils moins “rentables” que les urbains ?

La dame en question vit dans un petit hameau situé sur l’Aubrac. Ici, les étés sont chauds comme les hivers sont rigoureux, le climat façonne la chair, la solitude s’occupe des âmes, le pays ne garde que les plus obstinés. Ceux que les gens de la ville qualifient de “pittoresques”.
Depuis quelques jours, elle ne se sentait pas très bien. Elle était fatiguée. La chaleur, les foins, le travail. Allez savoir. Et puis il y avait ces remèdes qu’elle ne prenait pas depuis quelques semaines parce qu’il fallait “en faire marquer”, parce que le médecin ne se déplaçait plus jusque dans ces fermes et ces écarts ou l’on prête aux hommes suffisamment d’endurance pour pouvoir se débrouiller. Résultats des courses, courant juillet les vaches éparpillées sur le plateau virent passer un hélicoptère aux premières lueurs de l’aube. Celui qui vint chercher une femme à demi-paralysée, victime d’un accident vasculaire cérébral. Ensuite, bien évidemment, ce sont des vies qui basculent, des pages qui se tournent, des hypothèses et des regrets que l’on formule avec des “si”.
Et puis il y a ce communiqué de presse (voir ci-dessous) rédigé à plusieurs centaines de kilomètres de cette ferme, quelque part dans une ville où la perception de l’isolement est estimée à l’aune des embouteillages, où la concentration justifie les moyens, où l’élite phosphore pour jauger le besoin. Ce communiqué produit par l’Agence régionale de santé qui résulte d’une concertation à laquelle ont participé près de mille professionnels et usagers. Avec, comme fil conducteur : “Agir plus efficacement pour réduire les inégalités face à la santé” et “La prise en compte des besoins des plus vulnérables”. À ce titre, 5 engagements ont été pris concernant la prévention, l’organisation des services, des réponses personnalisées, les exigences de qualité et de sécurité et l’implication des usagers. Des intentions fort louables déclinées de façon on ne peut plus synthétique dans un communiqué expédié le 10 août dernier.

Des mots, des lobbies, de l’hypocrisie et du profit pour dispenser une médecine à géométrie variable
Et pendant ce temps, dans nos campagnes, l’offre de soin se réduit comme peau de chagrin. Souvenez-vous, Jean-Marc Majeau rappelait en février dernier que, sur le seul secteur allant de Vinça à Mont Louis, nous sommes passés, en 15 ans, de 30 à 11 généralistes et de 24 à 13 spécialistes. Une situation duplicable sur l’ensemble du territoire occitan et catalan qui, comme nous le confirmait le préfet Philipe Vignes ne devrait pas connaitre d’évolution favorable : “Le médecin isolé qui couvre des dizaines de kilomètres carrés, c’est terminé. Nous devons privilégier, notamment avec les maisons pluridisciplinaires de santé, la continuité des soins.”
Mais quel est ce raisonnement qui consiste à isoler encore davantage les ruraux, car justement ils sont plus isolés que les autres ? Parce-qu’ils sont moins nombreux, parce-que, d’une certaine façon, les habitants vivant sur le pays de Sault en Capcir ou sur l’Aubrac sont moins rentables que ceux résidants dans les polypiers urbains. “Rentables” : nous y voilà. Car c’est bien de cela dont il s’agit, dans cette société où l’on entortille avec des mots et des lobbies ce qui relève de l’hypocrisie et du profit pour dispenser une médecine à géométrie variable.
Alors bien sûr, avec des “si” nous pourrions dire que, si le docteur était passé la veille, l’hélicoptère n’aurait pas eu besoin de monter là-haut le lendemain. Avec des “si” peut-être pas. Mais avec un peu de bon sens et une solide volonté politique pourquoi pas !

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