Voilà, le cabinet médical est définitivement fermé ! (Par Jean-Paul Pelras)

Cet éditorial, je l’espère, car ils en seront destinataires par mail dès sa publication, sera lu par les parlementaires du département des Pyrénées-Orientales. Autrement dit, la nouvelle sénatrice, le sénateur réélu et les 4 députées. Mais également par le préfet récemment nommé, par la présidente du Conseil départemental, par celle de la Région et par ceux qui siègent au sein des collectivités territoriales.

“Le cabinet médical du canton d’Olette est définitivement fermé. Il faut désormais joindre par téléphone l’hôpital de Prades qui assure une permanence sur RDV les jeudis et vendredis et la maison de santé de Prades.” Nous apprend un texto envoyé par le maire de notre commune.
Lorsque, en février 2018, L’Agri organisa une réunion sur “L’abandon du haut pays” à laquelle participèrent de nombreux responsables locaux, dont certains cités précédemment, nous fumes quelques-uns à penser (bien naïvement) que des réponses allaient être apportées à cette déprise rurale. Depuis ? Et bien, depuis, aucune amélioration ! Et ce malgré la nomination de l’ancien maire de Prades, également président de la communauté de communes, à Matignon ! Et le canton d’Olette qui n’a plus de toubib. Et les praticiens qui désertent les uns derrière les autres la clinique de Prades, soit car ils partent en retraite, soit car ils sont déconsidérés malgré leur expérience et leurs qualités unanimement reconnues et, désormais, regrettées. Et le Centre de radiologie qui vient de fermer. Et, juste en face, des tags qui réclament “Moins de poulet, plus de frites” sur une gendarmerie en construction qui fera bientôt un kilomètre de long…

Voilà où nous en sommes ! Autrement dit, au même point que lorsque je rédigeais ces quelques lignes en 2018 : “Jean-Pierre Chabrol, dans “Les rebelles”, écrivait : « Il y avait trois épiceries, deux bistrots, une laiterie, une boulangerie, un coiffeur, un menuisier, un facteur, un serrurier, une école, un temple. Tout autour dans la vallée, il y avait des moulins, une filature, des mines, des vignes, des châtaigneraies. Des personnages, des rebelles en veux-tu, en voilà. Qu’en reste-t-il ? Beaucoup sont morts, bien tristement pour la plupart… Des familles qui n’ont même pas traversé la rue en 400 ans. Ce n’est pas de la noblesse ça ? La noblesse paysanne qui vaut bien l’autre »”.

Et puis je pose le livre, barbu à mon tour et fatigué. Fatigué parce que c’est le bordel. Et parce que rien ne fonctionne dans cet arrière-pays où les gens toussent car ils n’ont plus de toubib et qu’ils ont attendu trop longtemps pour se faire soigner. Avant, tu téléphonais le matin, le docteur, celui des mines, celui des champs, passait entre midi et deux. Aujourd’hui, c’est un cataclysme, 5 bouteilles de sirop, 10 tubes d’aspirine et 20 boites de pastilles plus loin, il faut se résoudre à descendre aux urgences. En hésitant parce qu’à bout de force, à bout de souffle, parce que c’est loin. Et puis qui va soigner les poules, qui va donner aux lapins et combien de temps ils vont nous garder… ?

Nous, des rubans, on s’en fout !

Plus un seul médecin dans le secteur et ce putain de téléphone qui ne passe pas parce que le relais, là-haut, est en panne. Et la nuit qui tombe. Et la neige qui recommence à tomber. Et le bistrot porte close pour toujours. Et tous ces volets fermés parce que cet hiver, comme l’hiver dernier, les voisins ne sont pas montés. Et ce courrier qui tombe entre les deux portes. Les vœux des “officiels” qui t’invitent au discours donné en ville pour te dire qu’on va bientôt éteindre les lumières pour lutter contre la “pollution visuelle” et qu’on va livrer les containers pour que tu puisses mieux trier tes déchets… Alors qu’une de tes principales préoccupations est de savoir si la seule clinique du canton ne va pas bientôt fermer… Et on te dit, avec les mots qui vont bien, qu’il faut revitaliser l’arrière-pays. Mon cul, oui ! Les gens qui cherchent à acheter, quand ils s’avancent entre deux tourbillons de feuilles, ils tournent les talons et on ne les revoit plus jamais.

Voilà la vérité, loin des considérations folkloriques avec des communes où l’on a installé des trottoirs en marbre alors qu’il n’y a plus personne pour les emprunter, où l’on a construit des fontaines qui ne coulent plus car les sources se sont taries. Où l’on a inventé le “Parc naturel”, le “Grand site”, le “Parlement de la montagne”. Toutes ces structures présidées par des gens de la ville qui montent pour couper les rubans et qui savent forcément ce qui est bien pour nous. Mais nous, des rubans, on s’en fout. Ce qu’on veut, c’est des médecins, du téléphone, du réseau numérique, des commerçants, des artisans, des paysans. Parce qu’on en a marre de tousser en silence dans ces petits villages où les morts se comptent désormais plus vite que les vivants.

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