Vigne : la filière a l’oreille du ministre… [par Yann Kerveno]
Au Sitevi, Marc Fesneau, ministre de l’Agriculture, a tenté de rassurer le monde viticole du midi. Au delà des annonces, il faudra maintenant attendre la concrétisation des dispositifs proposés.
Les déclarations du ministre de l’Agriculture Marc Fesneau donnent un peu d’espoir à la filière viticole du Sud de la France. Il y a d’abord ces 20 millions d’euros, a priori mis sur la table, mais dont le ministère a pris acte de l’insuffisance, la profession demandait 60 M € et la question fera l’objet de nouvelles négociations. Pour les trésoreries, c’est le dispositif de l’année blanche qui semble tenir la corde, comme demandé par la profession, et le ministre a assuré qu’il défendrait devant l’Union européenne la demande d’arrachage différé pour une mise en œuvre dès l’année prochaine. Tout comme il a annoncé soutenir les projets de stockage d’eau dans les départements méditerranéens.
Loin de crier victoire, les représentants syndicaux faisaient preuve d’un optimisme mesuré en fin de semaine, dans l’attente des résultats de la poursuite des négociations. “Nous n’avons aucune assurance sur ce qui sera fait pour l’instant” faisait remarquer David Drilles, président du Syndicat des vignerons des Pyrénées-Orientales. “Mais le ministère semble avoir pris la mesure de l’ampleur des dégâts.” Pierre Hylari, président des Jeunes Agriculteurs des Pyrénées-Orientales abonde : “Le ministre s’est emparé des propositions émises par la profession, mais nous savons déjà que 20 M € ce ne sera pas suffisant, même s’il existe une marge de manœuvre.”
Des investissements massifs
Le constat est aussi partagé par Jean-Marie Fabre, vigneron audois et président des Vignerons indépendants de France : “le ministre a priorisé trois propositions dans le paquet de solutions que nous avons mis sur la table. La première, c’est bien de desserrer l’étreinte des encours bancaires qui pèse sur les entreprises pour 2024 et permettre de consolider la trésorerie des entreprises pour éviter la défaillance de 10 % de celles-ci dans les semaines ou mois qui viennent et risquer de perdre de 5 milliards de TVA… Il faudra que ce soit calé avant la fin de l’année.”
Autre sujet sur lequel il presse Marc Fesneau d’aller vite, l’arrachage : “Le deuxième point, c’est que nous avons été entendus sur l’arrachage temporaire et la plantation différée. C’est une mesure qui permet de concilier le court terme et le long terme qu’il doit faire remonter à la commission pour que cela soit pris en compte dès 2024.” Enfin, il plaide pour des investissements massifs. “Nous sommes en train d’écrire l’histoire de l’adaptation au changement climatique, nous attendons des actes forts pour que nous puissions démarrer cette conquête climatique et cela passe par la sécurisation des ressources en eau !”
“Pour être cohérent…”
Pour David Drilles, il faut aller plus loin et que l’État débloque dès 2024 une aide directe à l’hectare, comme cela se fait pour d’autres productions pour les vignerons “avec une enveloppe spécifique comme l’Indemnité compensatrice de handicap naturel.” Il réclame aussi qu’on laisse les “de minimis” au placard. “Nous en sommes à plusieurs années de sinistres pour lesquels les vignerons ont touché des aides ou obtenu des dégrèvements : gel, coup de chaud, sécheresse et de nombreuses exploitations sont déjà au plafond” plaide-t-il. Pierre Hylari ajoute : “Pour être cohérent, il faut que le Gouvernement mette fin à la surtransposition des règles et reporte toutes les taxes qui nous frappent, sinon à quoi bon nous aider financièrement pour récupérer l’argent d’un autre côté ?” Vieille tactique illustrée par cette expression lumineuse de la sagesse populaire, on dit alors : “Prendre d’une main ce qu’on a donné de l’autre.”