Utilisation de propos injurieux : est-ce un délit ? [par Jean-Marc Majeau]

Suite à la participation sympathique du président Macron à une casserolade champêtre dans le Haut Rhin, nous apprenons que trois individus seraient poursuivis pour injures publiques. Se pose donc la question suivante : peut-on injurier un individu ? Cette problématique pourrait, normalement, avoir une réponse simple : non. Mais, à l’instar de la grammaire française, il existe dans l’expression d’invectives discourtoises, de nombreuses exceptions. Prenez par exemple un terrain de sport. Au hasard, prenez le seul sportif du stade vêtu d’un short noir et d’un maillot floqué au logo de “La Poste”. Présumé garant de l’ordre, cet individu se trouve pourtant, à chacune de ses décisions, conspué par des autochtones, lui hurlant dessus au prétexte de ses inclinaisons sexuelles présumées et de la profession de sa pauvre mère. Or, pourtant présents en tribune, préfets, ministres ou policiers ne condamnent jamais personne à postériori.

De la même façon, s’il est, partout en France, interdit aux enfants d’employer des mots crus, il est autorisé, à Marseille, de chantonner des comptines quelquefois mal comprises par les étrangers. À ce titre, si, à la fin d’un repas, vous vous levez et commencez cette chansonnette : “Paris, Paris…”, tous les enfants de plus de 3 ans reprendrons en cœur : “on t’enc…” ! Ce n’est pas une insulte : c’est une tradition locale !

Outre l’accoutrement et les coutumes locales, il existe d’autres éléments qui méritent d’être pris en compte : les mots utilisés. Par exemple, si, vous traitez un de vos congénères de “bachi-bouzouk”, de “zapotèques de tonnerre de Brest” ou “d’ornithorynque emplumé” vous ne serez jamais inquiétés. À l’inverse, si vous vexiez un banquier en lui disant qu’il est honnête, vous finiriez au poste ! Le sens des mots dépend donc du contexte.

“Trouduculologue”…

Revenons à Colmar. Une nouvelle question se pose : lors d’une casserolade, quelles sont les limites raisonnables ? La réponse tient en un théorème : “la limite est fixée par l’intensité émise dans la manifestation”. Si des insultes sont perçues, c’est donc que le bruit était insuffisant. Pour s’éviter les ennuis, il convient de toujours taper beaucoup plus fort ! Là encore, l’analyse du délit a une interprétation variable.

Venons-en aux emportements gestuels. Ils bénéficient eux aussi d’aménagements possibles. Exhiber un majeur tendu pointé vers le ciel, quand on est simple quidam, est immanquablement sanctionné d’un carton rouge s’il adressé à un flic en faction. À l’inverse, émanant du garde des sceaux, un bras d’honneur, voire deux consécutifs, adressés aux députés, ne sont pas répréhensibles.

Terminons maintenant avec les invectives adressées à ce cher Emmanuel. D’après ce que l’on sait, il aurait été traité de “trou du cul”. Analysons donc le concept. Étant moi-même, par profession, spécialiste de l’organe et inscrit au Conseil de l’Ordre comme trouduculologue diplômé, mon expertise semble parfaitement justifiée. Permettez-moi de faire un rappel d’embryogénèse. Le premier élément constitutif du fœtus consiste en la fusion de l’ectoderme et de l’endoderme. Cette fusion crée un orifice, l’anus, à partir duquel seront fabriqués absolument tous les tissus constitutifs du corps humain. On peut donc dire, sans exagérer, que nous sommes l’évolution ultime d’un organe unique et prépondérant : le trou du cul !

À ce titre, concernant un homme, dont tout le monde s’accorde à louer l’intelligence, et dont l’attitude semble donner à penser qu’il se considère comme l’être le plus important de notre évolution future, j’en viens à me demander si celui qui l’a traité de “trou du cul” n’était pas, finalement, un véritable admirateur. C’est possible. Par exemple, se faire traiter de “connard” par ses adversaires au rugby est, tous vous le diront, un compliment vraiment sincère, plus enviable, dans le milieu, que l’obtention d’une quelconque Légion d’honneur. Je pense que la procureure de la République de Colmar aurait dû se renseigner avant de se précipiter. À l’analyse de mon argumentaire, rien ne dit qu’elle n’ait pas fait, finalement, une très mauvaise interprétation d’un authentique compliment !

Une réflexion sur “Utilisation de propos injurieux : est-ce un délit ? [par Jean-Marc Majeau]

  • 1 juin 2023 à 11 h 32 min
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    On peut donc être un trou du cul et porter une cravate , c’est une forme de Renaissance ?

    Tu me fais rire

    un trou du cul mal éclairé , pourtant retraité de l’EDF

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