Et si Joël Castany avait raison ? [par Jean-Paul Pelras]
Le ton monte dans nos campagnes audoises et catalanes. Et si L’Agri, au grand dam de certains responsables agricoles et autres “visiteurs du soir”, prévient depuis plusieurs mois, c’est tout simplement car les gens nous appellent ou nous écrivent pour nous faire part de leur inquiétude, de leur lassitude, de leur désarroi. Un peu comme le fit Joël Castany, ancien responsable viticole audois, le 31 août dernier avec son coup de gueule publié en page 2 de notre journal relevant “Les premiers symptômes du début de la fin” et rappelant “l’extrême difficulté que suscitent la sécheresse et la chute des cours.” Il propose un “plan de sauvegarde” qui pourrait passer par une “cessation de paiement”. Et rajoute : “Rien de honteux, ce n’est pas l’échec des hommes mais la nature qui est venue apporter une sanction imméritée, la République doit protéger ses enfants…” Le 14 septembre, toujours en page 2, Lilian Copovi, qui remplaça voici quelques années Castany à la présidence de la cave de Leucate proposait, également dans nos colonnes, l’attribution de l’ICHN (Indemnité compensatrice de handicap naturel) pour la viticulture impactée par la sécheresse.
Coïncidence… En page 3 du même numéro je titrais dans l’édito : “Fruits, légumes, vins : les oubliés de la PAC” appelant le président de la FNSEA à venir dans l’Aude et à revenir dans les P.-O., non plus pour “s’apitoyer” mais pour “partager”. En visite dans l’Aude, la semaine dernière aux côtés des responsables agricoles locaux, Arnaud Rousseau, comme nous l’avons appris par l’Indépendant (Véronique Durand – 29-09-2023), déclarait : “Le ministre a débloqué une aide d’urgence, une enveloppe de crise de 53 millions d’euros. Il me semble que l’Aude y a droit…”
Mais le représentant national a, de toute évidence, surtout évoqué les projets et les soutiens devant être mis en œuvre pour prendre en compte le besoin en eau de la viticulture et, plus globalement, de l’agriculture.
C’est bien, c’est même très bien ! Seulement voilà, ceux qui sont aujourd’hui en défaut de paiement, ceux qui n’ont plus de quoi pérenniser leurs activités et assurer les mises en cultures de l’année à venir ne profiteront certainement jamais de ces “grandes intentions”, qui plus est tributaires du dogme écologique et des atermoiements de certaines administrations. Rousseau, sur ce coup-là, n’a pas eu l’audace de Castany !
“Comités d’admiration mutuelle”
Le vice-président de la FNSEA, Jérôme Despey, également viticulteur dans l’Hérault, saura-t-il expliquer à son président ce que veut dire le mot “solidarité” ? Saura-t-il lui dire qu’il faut désormais “partager” cette PAC de façon plus équitable, afin que des pans entiers de notre économie agricole ne soient plus sacrifiés par l’impatience des banquiers ou la lumière pulvérulente de l’été. Rien n’est moins sûr. Despey, revenu à Paris, n’aura peut-être pas les formules de Castany !
Et pourtant, quoi qu’en disent les visiteurs du soir, plus prompts à diner avec les préfets qu’à leur livrer, dès potron minet, quelques échantillons plus ou moins bien conditionnés, c’est, comme dans de nombreux domaines, le discours de Castany qui demeure, auprès des pouvoirs publics, le plus redouté, le plus écouté.
D’ici quelques mois ou quelques années, les inconditionnels du protocole aseptisé, du “magnétisme officiel” et des “comités d’admiration mutuelle” diront certainement que celui-ci, tout bien considéré, avait raison. Hélas, le temps des oraisons aura alors définitivement pris le pas sur celui des intentions !
Il serait intéressant pour ceux qui ont la plume facile de rechercher qui – dans l’Aude et les P-O – à l’époque de l’extension-création du Bas-Rhone, s’est positionné CONTRE le projet d’avoir une extension couvrant l’Aude et les P-O, projet porté par l’ancien président visionnaire Monsieur Georges FRECHE ? Ce sont ces acteurs locaux de l’Aude et des P-O qui portent une responsabilité lourde sur l’échec de la distribution de l’eau pour l’agriculture. Mais le mal est plus profond car c’est le vin produit qui ne correspond plus aux attentes du consommateur. Toutes les structures productives – notamment les groupements de producteurs – n’ont pas joué leur role. Les CASTANY et consorts, avec la complicité des banques (dont le Crédit Agricole) se sont bien engraissés à titre personnel. Ces CASTANY et consorts ont fait leur temps. Place à une nouvelle génération.