Sobriété énergétique nocturne : faut-il ou non éteindre l’éclairage public ? [par Thierry Masdéu]

Cette question, qui semblait appartenir aux méandres du passé, est à nouveau d’actualité à cause, entre autres, de la flambée des tarifs et du comportement peu scrupuleux de certains énergéticiens.

Impactées par un prévisionnel de hausses pharaoniques sur leurs prochaines factures électriques, plusieurs municipalités ont tranché en s’imposant, sur une frange horaire, un blackout partiel ou total. Objectif : réaliser des économies sur le coût énergétique de l’éclairage public qui, selon les données de l’ADEME (avant crise énergétique), représentait en moyenne 37 % de leurs factures d’électricité. Choix et exercices délicats pour ces maires, garants à la fois de la bonne gestion des finances de leurs communes, tout comme de la sûreté et sécurité publique. C’est le cas de la communauté de communes Sud Roussillon qui a entrepris cette démarche expérimentale, dès octobre dernier, en éteignant l’espace public de 1 h à 6 h du matin, pour ensuite l’élargir depuis novembre de minuit à 6 h du matin.

“Avec l’ensemble des maires nous avons pris cette décision en septembre 2022, suite au nouveau contrat tarifaire, multiplié par cinq, que proposait notre fournisseur commun d’électricité pour l’éclairage public ! C’est simple, nous passions d’environ 500 000 € H.T. annuellement à 2,5 millions € H.T. ! Une situation inacceptable qui aurait, si nous avions signé, altéré sérieusement nos capacités d’investissements !” témoigne avec perplexité Thierry Del Poso, président de la communauté de communes Sud Roussillon et maire de Saint-Cyprien. L’élu indiquant avoir obtenu, chez un autre opérateur, un coût énergétique pour 2023 qui ne sera multiplié que par deux. “Bien évidemment, avant de nous engager à couper l’éclairage, nous nous sommes posés des questions sur la pertinence, la sécurité, la dangerosité, la circulation, les atteintes aux biens ou aux personnes, mais avec les retours d’expériences de communes pionnières dans l’extinction, même dans notre département et depuis plusieurs années, on a relevé qu’il n’y a pas plus d‘accidents ou de délinquance !”

Pêcheurs, boulangers et… sangliers

Cette mesure qui, majoritairement, semble être acceptée par la population, a tout de même demandé quelques adaptations et réorganisations pour les personnes qui exercent leur activité professionnelle aux premières heures du matin. “Au tout début, cela nous a occasionné une gêne pour manœuvrer et naviguer en sortie de port !” souligne Frédéric Fontanet, patron de pêche basé au port de Saint-Cyprien plage. “Mais après en avoir informé la direction portuaire, les veilleuses des pontons ont été rallumées et, depuis, le problème est résolu”.

Pour le boulanger pâtissier Nicolas Chatenet, qui livre son pain sur l’ensemble des six communes de la communauté Sud Roussillon, l’adaptation est tout autre. “Depuis l’extinction des lumières, je constate une présence plus accrue de sangliers errants sur mes circuits de livraisons, que ce soit sur les axes routiers, périphéries des communes et même en bord de plage !  Du coup, pour prévenir de toute collision, au lieu de démarrer ma tournée à 5 h 00 je la débute à partir de 6 h 00, dès que l’éclairage revient…” confie, résigné, cet artisan, lui même impacté par le coût très élevé de l’électricité. En mars prochain, un premier bilan de cette mesure devrait restituer ses premières conclusions afin de restreindre la durée des coupures sur les périodes du printemps et de la saison estivale. Tout comme l’évaluation du nombre de mégawatts-heure économisés.

Leds et intensité

Mais le maire et président de Sud Roussillon est bien conscient que les seules économies qui seront réellement faites porteront uniquement sur la consommation et non pas sur les dépenses. “Seule la poursuite que nous avons déjà engagée chaque année avec la rénovation de notre éclairage public nous permettra d’obtenir une baisse conséquente de la facture électrique ! Aujourd’hui, nous n’avons que 33 % de cet éclairage en leds. Et, même en accélérant les choses, il nous faudra au moins compter encore 5 ans pour bénéficier pleinement de la flexibilité de ce type d’éclairage !” Des dépenses sur ces nouvelles technologies qui permettent, sur 4 ou 5 ans et suivant la taille des communes, un retour plus rapide sur investissement.

Une pertinence que prône Agnès Jullian, PDG de Technilum et présidente du Syndicat de l’éclairage. “On s’aperçoit que la rénovation des candélabres avec des sources lumineuses à led est beaucoup plus vertueuse en terme d’économie. Le rapport avec un éclairage traditionnel est parfois divisé par dix et, en règle générale, toujours divisé par plus de cinq !” détaille avec pédagogie la présidente, rappelant que les collectivités peuvent également bénéficier d’un accompagnement de l’État, avec “Le Fonds Vert”. “D’autant que les communes peuvent programmer, en milieu de nuit, un abaissement de l’intensité lumineuse au lieu de devoir recourir à une extinction totale !”

À ce jour, le pourcentage de led reste inférieur à 25 % du parc national qui compterait pas moins de 11 millions de lampes d’éclairage public. Une rénovation de la vétusté des installations que la crise énergétique devrait accélérer.

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