Démographie et habitat dans les P.-O. : “Densifier les centres anciens” (Deuxième partie) [par T. Masdéu]
Si le département des Pyrénées-Orientales est classé selon l’Insee au rang du deuxième le plus pauvre de France (voir Agri nº 3894), il n’en demeure pas moins que sa continuelle attractivité révèle, d’ici à 15 ans, un besoin important en nouvelles constructions de logements.
Démographie et habitat, une équation qui ne semble plus si évidente à résoudre pour certaines communes et notamment celles du littoral, en manque d’espaces consommables. Déficit foncier auquel l’application des lois comme “Climat et Résilience” et de la toute nouvelle “ZAN”, limitent plus largement l’artificialisation des sols. Des critères complexes et délicats d’aménagements territoriaux pour les SCOT (Schéma de cohérence territoriale), comme celui du syndicat mixte Plaine du Roussillon qui regroupe quatre communautés de communes, représente 74 % des habitants et la majeure partie de l’activité économique des P.-O. Rencontre avec son président et maire de Pézilla-de-la-Rivière, Jean-Paul Billès, pour mieux comprendre les orientations urbaines et rurales…
La dernière révision du SCOT Plaine du Roussillon projette d’ici à 2038 la réalisation de 34 500 nouveaux logements pour répondre au prévisionnel démographique. Comment l’envisagez-vous en tenant compte de tous les critères, économiques, sécuritaires, climatiques… ou encore avec la loi ZAN qui fixe zéro artificialisation nette à l’horizon 2050 ?
Effectivement, la loi prévoit un objectif extrêmement ambitieux et vertueux qui est de préserver autant que faire se peut les terres agricoles et naturelles de façon à moins étendre les zones bâties. Elle nous impose de consommer, de 2021 à 2031, deux fois moins d’espace que nous avons utilisé entre 2011 et 2021. Sur les dix dernières années, nous avons consommé un peu plus de 2 000 hectares. Et, pour les quinze à venir, l’objectif est d’arriver aux environs des 1 200 hectares, dont 800 à peu près pour l’Agglo de Perpignan. Bien évidemment, cela comprend l’habitat, mais aussi l’aménagement des zones économiques pour accueillir les entreprises, les équipements publics ou encore les voies d’accès pour la mobilité.
Alors comment fait-on pour arriver à cet objectif de futurs logements ? Il y a deux pistes majeures. Premièrement, c’est de revenir un peu plus dans le cœur des villes et de densifier les centres anciens avec les “dents creuses”, c’est-à-dire les zones qui ne sont pas construites à l’intérieur des zones urbanisées et aussi avec la réaffectation en logements d’anciens locaux abandonnés comme les “cortals”, jadis utilisés dans l’agriculture traditionnelle. Nous avons prévu que 30 % des besoins futurs seraient déjà obtenus à l’intérieur des centres urbanisés ! En revanche, pour les 70 % du besoin restant, nous serons bien obligés de faire de l’extension urbaine.
Cela signifie que l’on s’oriente vers la fin du traditionnel modèle pavillonnaire et que s’ouvre la voie d’une verticalisation généralisée de l’habitat ?
Peut-être pas, parce qu’il faudra trouver de nouvelles formes urbaines, c’est possible ! Je pense qu’il va falloir que tout le monde fasse un peu preuve d’imagination et de créativité de façon à trouver des solutions. Pour limiter la surface de ces extensions, on va être obligés de densifier, ça veut dire d’avoir des maisons et logements un peu plus rapprochés au mètre carré. Alors bien sûr, après, il y a l’acceptabilité sociale du système, mais on peut trouver quand même des solutions. Les densités ne sont pas énormes, si vous faites un lotissement de 20 ou 30 parcelles par exemple, vous pouvez très bien imaginer une parcelle de 1 000 mètres carrés avec un petit collectif de logements.
Au regard de cette projection chiffrée à 34 500 logements supplémentaires d’ici à 15 ans, cela induit une forte progression démographique. Notre département sera-t-il en capacité de pouvoir assumer cette augmentation de population, d’autant qu’elle ne serait concentrée que sur la plaine du Roussillon ?
Ce prévisionnel du besoin en logements fait état que, pour moitié, il sera destiné aux personnes venant de l’extérieur et pour l’autre moitié, alloué pour ce que l’on nomme le desserrement des ménages, qui aujourd’hui est une problématique bien identifiée ! C’est-à-dire que lorsque les couples se séparent, on se retrouve avec deux adultes et les enfants qui doivent se reloger. Par contre, cette demande implique la construction de petits logements. En ce qui concerne la capacité du département à pouvoir assumer une augmentation de population, je suis désolé, mais nous sommes dans un pays de liberté et je ne vois pas comment vous pouvez empêcher les gens de venir s’installer chez nous ! La ressource en eau va être un élément limitant comme il est aujourd’hui dans l’extension de l’urbanisation et dans le SCOT de 2013, nous l’avions déjà signalé…
Définir les politiques de l’aménagement urbain, mais aussi rural, notamment au niveau de la préservation des zones agricoles et des canaux d’irrigation, une mission du SCOT Plaine du Roussillon que nous continuerons de détailler avec son président lors de notre prochaine édition.