Restauration : “Le fils va choisir un autre métier…” [par Thierry Masdéu]
Entre autres dommages collatéraux consécutifs à la fermeture des bars et restaurants, se pose la question des reprises ou des successions.
SI les étoiles continuent à briller pour certains, ou en ont illuminé d’autres, les 638 établissements de restauration, lauréats de la récente édition 2021 du Guide Michelin ne sont plus aux réjouissances, tout comme l’ensemble des professionnels et fournisseurs du secteur. D’ailleurs, comment pourrait-il en être autrement, lorsque, telle une “Arlésienne”, la date de réouverture n’en finit plus de leur échapper ? Eux, ces femmes et ces hommes restaurateurs, dont l’activité a été désignée comme facteur contaminant de la Covid-19. Et ce, malgré les mesures de protocoles sanitaires déployées. Alors, il y a bien ce nouveau rendez-vous de “revoyure” fixé par l’exécutif à la mi-février pour envisager une date si, bien évidemment si, la situation épidémiologique le permet. Mais les récentes déclarations du ministre de la Santé, Oliver Véran, sur l’évolution de la contagion des variants du virus, laisseraient plutôt présager (à l’heure où nous bouclons) le cheminement vers un troisième confinement. Dès lors, envolés seront les espoirs de réouverture prochaine des restaurateurs. Des professionnels qui savent très bien que dans le cadre des confinements, ils ne figurent pas en haut de cette liste de lieux prioritaires et essentiels à la reprise d’une activité économique et sociale.
On nous a punis
Jugements et arbitrages du Conseil sanitaire de défense que conteste fermement, Hervé Montoyo, président de l’UMIH66, (Union des métiers et des industries de l’hôtellerie des P.-O.) : “Cela ne peut plus durer, il faut que le ministre de la Santé démissionne ! Comme on le dit depuis des semaines et des mois, nos établissements sont fermés sans preuve scientifique française avérée qui atteste de la dangerosité de notre activité ! À aujourd’hui, peut-être qu’Olivier Véran a raison ? Mais peut-être que nous aussi nous avons raison… On nous a punis, mais on ne nous dit pas pourquoi !” Cette incertitude qui draine le doute génère de forts ressentis d’impuissance et de culpabilité dont le principal fléau reste la solitude du ou de la chef d’entreprise devant ses responsabilités et décisions lourdes de conséquences quelle qu’en soit l’issue : résister et continuer, ou se résigner et s’arrêter ?
Faire évaluer la maison au cas où …
Depuis avril dernier, ces questions là, Jean-Claude Guitard, gérant et chef cuisinier du restaurant “L’Assiette Catalane” à Perpignan n’a de cesse de se les poser, l’obligeant même à faire évaluer sa maison “au cas, où…” dit-il. “J’arrive à mes 55 ans, en 2019 mon activité était prospère, j’étais au top, aujourd’hui c’est l’inconnue et il n’y a toujours pas de date tangible de réouverture fixée. C’est déprimant de ne plus pouvoir exprimer sa passion, d’apporter du plaisir aux clients et de ne pas pouvoir célébrer avec eux, les 25 ans de mon restaurant en février prochain !” Déplore avec amertume Jean-Claude, qui reconnaît aussi l’importance des mesures financières d’accompagnement proposées par l’État. “Bien que cela représentera une dette, le PGE m’aura permis de passer le cap du premier confinement et, plus récemment, l’aide de 10 000 € de novembre, perçue en décembre a servi, dans sa majeure partie, au financement de six mois de loyers. Mais cette situation, je le crains, ne va pas pouvoir perdurer”.
Quand tu pars de rien et que les illusions sont anéanties
Comme beaucoup de restaurateurs, Jean-Claude ne cache pas son inquiétude pour les mois à venir et avec tristesse regrette déjà une des conséquences qui l’affecte directement, celle de la renonciation de son fils Jean, âgé de 15 ans, passionné aussi de cuisine et qui s’oriente désormais vers une formation dans le médico social. “C’est malheureux, quand tu pars de rien comme moi, issu de la DDASS, après avoir fait autant d’efforts, tu réussis ta vie, tu crées ton resto, ton fils est motivé pour assurer ta relève et, en l’espace de quelques mois, toutes les illusions sont anéanties ! Pour son avenir, je comprends que je ne peux pas lui refiler une affaire pourtant prometteuse dont l’activité est devenue incertaine”. Visibles ou invisibles, les dégâts collatéraux des gestions de cette crise sanitaire sont incontestables.
Une étoile vient peut-être de s’éteindre…
Contacts : UMIH66 / 04 68 35 50 03 / http://www.umih66.com/
L’Assiette Catalane / 04 68 34 77 62 / http://www.assiettecatalane.com/men