Conjoncture : les artisans coiffeurs se font des cheveux ! [par Thierry Masdéu]

Depuis ces trois dernières années, les crises successives sociales, sanitaires, énergétiques, etc., ont fini, malgré les mesures d’aides gouvernementales, par affecter l’économie des entreprises les plus fragilisées. Et le secteur de la coiffure n’échappe pas à ce contexte.

Selon une étude du groupe Altares, communiquée à la presse le mois dernier, les défaillances d’entreprises accuseraient au deuxième trimestre 2023 une hausse de + 35 % par rapport à celui de 2022. Avec 13 266 procédures ouvertes entre le 1er avril et le 30 juin, la France enregistrerait sont plus lourd bilan de 2e trimestre depuis 2016, bien au-delà des niveaux de défauts d’avant crise. Les activités durement impactées concerneraient en particulier celles en lien direct avec les consommateurs, comme entre autres, les salons de coiffure. Entre le 1er janvier et le 30 juin de cette année, 602 procédures en liquidation, sauvegardes et redressements judiciaires ont été ouvertes devant les tribunaux de commerce. Une augmentation qui représente une hausse des défaillances évaluées à + 49 % par rapport à la même période de 2022, et à + 181 % par rapport à 2021. Même, il ne serait pas à exclure, comme l’a dévoilé à l’AFP Thierry Million, directeur en charge des études chez Altares “que nous touchions un pic historique de défaillances, dépassant largement le millier de procédures” d’ici la fin de l’année. Une barre symbolique qui n’a été dépassée qu’une seule fois en 2015, avec 1 089 cas.

Emmanuel Salgues, vice-président départemental de l’Union nationale des entreprises de coiffure des P.-O.

Un malaise qui handicape aussi la profession dans les Pyrénées-Orientales où, sur les deux premiers trimestres, plus d’une vingtaine d’entreprises professionnelles ont cessé leur activité et près de la moitié qui continue à l’exercer serait en attente d’une reprise. Un constat inquiétant mais prévisible, comme en témoigne Emmanuel Salgues, vice-président départemental de l’Union nationale des entreprises de coiffure des P.-O. (UNEC 66). “Mis à part le fait des crises à répétition qui ont mis en exergue un nombre trop élevé de salons par rapport à la demande, ces défaillances qui de facto vont réguler le marché, sont aussi le fruit de plusieurs facteurs. Tout d’abord, depuis une quinzaine d’années, on constate la création de certains salons sans trop d’études de terrain pour évaluer le potentiel commercial et concurrentiel de la zone d’installation, ni suffisamment de connaissances de la part de leurs créateurs en terme de gestion financière, comptable et management !” évoque avec regret cet artisan de la coiffure, à la tête de trois salons à l’enseigne “Lady & Boy”.

“Ensuite, au niveau des formations et nous, formateurs, nous sommes sûrement aussi fautifs, c’est que l’on n’a pas suffisamment bien formé. Je précise : bien formé, non pas en quantité d’élèves mais en qualité ! C’est à dire que l’on a, au fil des années, réduit le temps d’apprentissage au CAP, qui est passé successivement de 3 à 2 ans, pour, à ce jour, être aussi validé au bout de 9 mois !”  Un laps de temps qu’il estime bien trop court pour inculquer aux apprenants les notions qu’impose la fiche de base de ce poste de travail. “Tout le monde ne naît pas avec un ciseau dans les mains et la personne détentrice d’un CAP doit savoir coiffer en toute autonomie, tout comme savoir gérer l’ouverture et fermeture du salon.” Des critères d’approche du métier que ce représentant de l’UNEC 66 souhaiterait aussi voir évoluer, notamment avec un peu plus de lien et d’étroite collaboration entre le syndicat de la coiffure et les CFA. “L’objectif, c’est qu’au final, les étudiants sachent ce que les professionnels attendent d’eux à la fin de leur parcours de formation.”

Coiffeurs clandestins

Autre facteur aggravant dénoncé par la profession et les dirigeants de l’Union des entreprises de proximité des P.-O. (U2P 66), celui qui concerne la prolifération de coiffeurs clandestins. “Ce phénomène de salons de coiffure ouverts 7 jours sur 7, qui propose une coupe unique à la tondeuse pour 10 € déstabilise le marché concurrentiel du secteur” souligne avec amertume, Damien Ribeiro, secrétaire général de l’U2P 66.
“Dans de nombreux cas, se sont des coiffeurs non déclarés qui ne payent pas de charges, sans diplôme, sans brevet professionnel, qui semblent plutôt être là pour blanchir plus qu’autre chose !” Une situation d’exercice frauduleux de la profession que l’UNEC 66 considère inadmissible et souhaiterait voir réguler par plus de contrôles de la part des organismes d’État.

Sandrine Thevenin vient de fermer définitivement son salon mixte.

Pour autant, l’inflation persistante dicte aussi les comportements de la clientèle et se traduit par une baisse notable de la fréquentation des salons, notamment pour femmes. “Le budget dans les foyers est beaucoup moins élastique, les priorités sont autres et mes clientes, au lieu de venir, comme avant, tous les mois ou toutes les trois semaines, ont espacé leurs rendez-vous entre deux, trois, voire quatre mois !” relate avec résilience Sandrine Thevenin, qui vient de fermer définitivement, en ce début de mois d’août, son salon mixte “Action Coiffure” sur Perpignan. “Forcément, le chiffre d’affaires s’en ressent, les charges augmentent et donc il est impossible de pouvoir financièrement maintenir ouverte la structure !” Un crève cœur pour cette coiffeuse visagiste, installée depuis onze années et qui, dorénavant, poursuit son activité au domicile de sa clientèle pour alléger ses charges d’exploitation. Une crise des coiffeurs qui, selon Emmanuel Salgues, pourrait aussi toucher d’ici quelques temps l’activité des barbiers, dont la création de salons augmenterait de façon déraisonnée…

Contacts : Lady&Boy Coiffure – Emmanuel Salgues – 04 68 39 57 97 – https://ladyboy-coiffure.fr/
Action Coiffure – Sandrine Thevenin – 04 68 85 56 86.

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