Petits papiers…

Jean-Paul PelrasQue sa majesté planque 11,3 millions d’euros aux îles Caïmans et aux Bermudes via son domaine privé du Duché de Lancaster, passe encore. Qu’elle place des avoirs dans des fonds qui spéculent sur la misère de ses sujets ou dans une chaîne de magasins qui fit faillite en laissant une ardoise de 17,5 millions de livres au Trésor britannique, à la rigueur. Mais qu’ils soient des millions à se rassembler pour l’acclamer sur les trottoirs londoniens dès que son chapeau vert fluo se paye une virée en calèche, dépasse, vous en conviendrez, l’entendement.
Car le plus “shocking” dans cette affaire, ce ne sont pas ces montants astronomiques qui relèvent davantage du conte de fée que de la réalité dont doit s’acquitter le quidam moyen, l’ouvrier surendetté. Non, le paradoxe tient plutôt dans cette adulation que le peuple voue à ses monarques, à ses sportifs, à ses vedettes et à ses troubadours multi-milliardaires qui doivent se demander, lorsqu’ils se retrouvent pour sniffer leur poudre de perlimpinpin, comment l’homme peut-il être assez con pour applaudir à tout rompre celles et ceux qui, non contents de se servir sur son dos, trichent, de surcroît, avec l’impôt.
Pour l’instant, l’enquête d’investigation conduite par 400 journalistes dans 67 pays différents a mis en lumière les activités de quelques gros poissons parmi lesquels la reine Elisabeth qui, soit dit en passant, percevait il n’y a pas si longtemps 500 000 euros d’aides PAC pour permettre à son fiston gentleman-farmer de pouvoir revendiquer une activité agricole. Signalons également la présence sur cette liste d’un proche de l’élégant et très vertueux Premier ministre canadien ou encore des amis du locataire de la Maison Blanche, sans oublier l’équipementier Nike, celui qui fait courir nos jouvenceaux en vidant les poches de leurs ainés, tout en prenant soin d’aligner les zéros avant la célèbre virgule.

Aux grands hommes méritants …
Ayons également une pensée pour Apple, pour le jet privé du coureur automobile Lewis Hamilton et pour Bono, chanteur du groupe U2, actionnaire d’une entreprise maltaise qui aurait investi dans un centre commercial lituanien en utilisant des techniques d’optimisation fiscale jugées douteuses. Bono qui s’est dit “totalement écœuré” par ces accusations. Comme on le comprend. Et comme l’on peut (pour une fois) approuver les intentions d’Emmanuel Macron concernant la future attribution de la Légion d’honneur. Le premier d’entre nous a, en effet, décidé de revoir la pertinence de certaines remises. Sachant qu’auparavant et comme l’indique le Figaro, Édouard Philippe devrait être décoré de la grand-croix de l’ordre national du Mérite d’ici la fin du mois. Un usage républicain auquel les chefs d’États n’osent déroger pour ne pas froisser la susceptibilité de leurs Premiers ministres. Des rosettes attribuées, pour ainsi dire en rafale, à ceux qui poussent la chansonnette comme d’ailleurs le grand humaniste Bono, à ceux qui tapent (à minima) dans un ballon ou qui ont été décorés de la grand-croix, comme Vladimir Poutine, Jacques Servier, Bachar el Assad et, bien sûr, le très entreprenant Harvey Weinstein, pour ne citer que ces grands hommes méritants.
Pendant ce temps ? Et bien pendant ce temps le monde tourne au rythme de ces “Paradise papers” qui donnent envie de fredonner : “Laissez parler les petits papiers, machin machine, papier machine… C’est pas donné, papier monnaie… C’est pas brillant, papier d’argent…”

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