Pépiniéristes viticoles : l’avènement des blancs ? [par Yann Kerveno]

Rien de tel que de prendre la température chez les pépiniéristes viticoles pour en savoir plus sur les tendances à venir. Et ici aussi ça “blanchit” partout !

“La tendance majeure aujourd’hui, c’est le blanc ! Pour nous, c’est un véritable coup d’essuie-glace. Nous avons même des clients qui avaient commandé des cépages rouges qui se sont ravisés et se reportent sur le blanc. C’est un peu logique, les vignerons essayent de suivre la mode, mais cela nous met en grande tension et la tendance est d’ores et déjà confirmée pour l’année prochaine” explique Gérald Lambert, PDG des pépinières Comta dans le Vaucluse. La tendance affecte tous les vignobles de France et pas seulement ceux qui sont en difficulté. “À Bordeaux, outre les 10 000 hectares qui vont être arrachés, il y a une nette bascule sur le segment des IP et du vin de France. La demande pour les blancs y est réelle mais elle ne porte pas sur le sémillon. On nous y demande du rolle (ex-vermentino NDLR) ou du chenin, dans les Côtes-du-Rhône, le même mouvement s’amorce…”

À l’étranger, ce passage au blanc est aussi d’actualité. “Les Italiens misent tout sur le glera avec lequel ils produisent le Prosecco. En Espagne, nous avons des demandes pour du sauvignon blanc, du chenin et du chardonnay. En Russie, la demande était aussi essentiellement pour du blanc et nous expédions chaque année des plants au Royaume-Uni. Aujourd’hui, les cépages blancs, si on ajoute les gris, c’est 65 % de la demande” estime-t-il. “Et cela va durer jusqu’à ce que toutes ces vignes entrent en production d’ici trois ou quatre ans.”

Les résistants aussi

L’autre tendance qu’il souligne, c’est celle de l’intérêt pour les cépages résistants. “C’est aussi une offre qui a beaucoup évolué. On peut dire en caricaturant qu’il y a deux époques. Lors de la première époque, les premiers cépages mis au point résistaient à tout, mais aussi à faire du vin” ironise-t-il. “Aujourd’hui, nous entrons dans une seconde ère où la qualité a beaucoup progressé. C’est très valable pour les blancs mais encore un peu compliqué pour les rouges…” Il cite notamment le G9, le 3179, un descendant de grenache, le 3160, descendant du fer servadou, un cépage endémique du vignoble gaillacois.
Sans parler, contexte oblige, des variétés venues du Sud de l’Europe, albariño, nero d’avola qui sont issus de terroirs plus secs que les terroirs français ou encore, plus récemment, l’attrait renouvelé pour d’anciens cépages laissés sur le banc de touche depuis des décennies.

Autre évolution sensible qu’il note ces dernières années, l’arrivée de nouveaux acteurs dans le paysage viticole, des investisseurs pas forcément issus du secteur. “C’est une clientèle nouvelle qui arrive souvent avec une vision à dix ans, un business plan, c’est très différent de ce que nous connaissons des vignerons avec qui nous travaillons depuis toujours et qui sont éreintés par les contraintes administratives et réglementaires.”

Pareil ici

Et dans l’Aude ou les Pyrénées-Orientales ? Les tendances sont similaires aux autres vignobles. Représentant les pépinières Comtat sur la zone, Nicolas Lleo dresse le même constat. “Contrairement à ce qu’on pourrait croire, il se plante encore de la vigne sur les deux départements en dépit du contexte économique. Il y a le renouvellement, les gens qui plantent 50 ou 80 ares tous les ans, puis des projets plus conséquents, entre 5 et 10 hectares” explique-t-il. “Ce qui inquiète finalement, ce n’est pas tant le contexte économique que la réglementation et ses évolutions.”
En première ligne des brusques changements climatiques, les vignerons de l’Aude et des Pyrénées-Orientales sont aussi traversés par une question brûlante : comment s’adapter ? Comme ailleurs, leur regard se tourne vers des cépages qui sont issus de régions plus sèches et chaudes. “On nous demande le touriga nacional portugais, le verdejo espagnol, mais aussi des cépages grecs comme l’assyrtico, l’agiorgitiko ou le moschofilero qui ont la réputation de mieux tenir la sécheresse. Mais c’est toujours envisagé avec un projet œnologique derrière, ce n’est pas uniquement pour avoir un cépage qui résiste au sec…”

Choses plus anciennes

Comme ailleurs, les blancs sont sollicités, du rolle, du grenache blanc ou gris, ce dernier pouvant répondre aux besoins de production de vin blanc, rosés et même de vins doux naturels… “Il y a aussi des demandes ponctuelles pour de l’aramon, du xarel.lo catalan, du tempranillo. Et même des choses plus anciennes, la malvoisie du Roussillon qu’on appelle aussi tourbat ou du llerdoner pelut…” Les résistants, en particulier le souvignier blanc qui est aussi recherché depuis qu’il est entré dans le cahier des charges de Pays d’Oc. “On a du mal à suivre la demande pour celui-là” regrette-t-il.
Et les porte-greffes qui sont aussi une des voies de la résistance à la sécheresse ? “Chez les clients qui ont accès à de l’irrigation, on peut avoir des commandes de SO4 mais la grande majorité reste portée par le Richter110.”

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