Miren de Lorgeril, présidente du CIVL : “La campagne a très bien commencé pour les rosés”
Comment les vins du Languedoc abordent le Brexit ?
Nous avons procédé à un sondage auprès d’entreprises qui exportent et pour l’instant, cela n’a eu que peu d’incidence sur les marchés, selon ce qu’ils nous ont rapporté. Nous avons simplement noté peut-être plus de frilosité que d’habitude parce que nos clients manquent de visibilité. Je pense, en fait, qu’ils ne croient pas que la sortie de l’UE puisse se faire sans accord. C’est quelque chose que les opérateurs anglais n’arrivent pas à imaginer, ils ne savent pas comment, mais ils sont persuadés qu’un accord sera trouvé à la dernière minute. Si rien de ne se passe ce sera compliqué. Alors il faudra que nous soyons très vite en mesure, la France, de signer un accord pour garantir la fluidité des échanges commerciaux. Ça peut aller vite, mais ce sera forcément très spécial.
Comment se déroule le début de campagne 2018-2019 ?
Plutôt très bien pour les rosés, il n’y avait plus rien en stock, donc la demande a été très vive, et cela nous confirme que c’est un axe de développement majeur pour les vins du Languedoc. C’est aussi pas mal du tout pour les blancs mais le marché est plus attentiste pour les rouges, la fin d’année a été assez molle sur cette couleur.
Existe-t-il comme l’an passé un risque de pénurie de rosé ?
Non, l’année dernière c’était particulier nous avions une toute petite récolte. Cette année les opérateurs ont anticipé et ont produit plus que les années passées. Aujourd’hui, le Languedoc vend largement plus de rosé que la Provence.
L’institut national des appellations d’origine (INAO) a tiqué voici quelques mois quant à l’utilisation de la marque Sud de France, arguant que cette dénomination ne reposait sur aucun critère de qualité…
Oui, c’est un dossier que nous avons suivi et sur lequel nous avons trouvé un terrain d’entente. Au départ, c’est vrai, l’INAO ne voyait pas d’un bon œil que nous utilisions cette marque parce qu’elle est mutlisectorielle, elle ne s’applique pas qu’au vin, et qu’elle n’implique pas l’appartenance à un signe de qualité. Alors il est vrai aussi que Sud de France ce n’est pas très pertinent sur nos marchés de proximité, sur lesquels Languedoc est reconnu. Par contre, pour le grand export, Sud de France a un sens. Et lors du prochain salon Prowein, consacré au grand export, nous serons réunis sous une grande bannière Sud de France.
Et pour la contractualisation mise en place depuis l’an dernier, quelle est la tendance ?
Elle progresse. De plus en plus de marchés sont engagés, on le voit avec les Grands chais de France, avec Gérard Bertrand, JeanJean, les domaines Auriol qui tous passent des engagements sur trois années. C’est très sensible notamment sur le segment du vin bio pour lesquels les négociants peuvent aussi mettre en place des prix spécifiques pour amortir le temps de la conversion des vignes. Je pense que c’est une évolution qui me semble durable qui donne naissance à des partenariats solides.
Vous avez pris la présidence de l’interprofession du Languedoc, quel regard portez-vous sur la filière et quelles sont vos ambitions ?
Il y a plusieurs choses qui sont très positives depuis ces dernières années. On peut citer le développement de la bio, nous représentons aujourd’hui en Languedoc 29 % des surfaces bios françaises et 6 % du vignoble bio mondial. Ensuite, les prix se sont fortement améliorés, en dix ans nous sommes passés de 70 euros l’hecto en AOC Languedoc à 150 euros. La croissance de chiffre d’affaires a été de 10 % l’an dernier pour les AOC et la bonne nouvelle récente c’est aussi que les Corbières vont pouvoir déclasser des volumes vers l’appellation Languedoc grâce à la modification de leur cahier des charges. Aujourd’hui, en linéaire, le Languedoc rouge générique est au niveau des Bordeaux supérieur, autour de 4,95 €. Cette prémiumisation en cours a donné un peu de liberté et d’air aux IGP de territoire dont le chiffre d’affaires a lui progressé de 9 % l’an dernier.
Pour finir, mon ambition est que nous puissions continuer d’avancer avec une grande cohésion. Nous avons des atouts exceptionnels mais nous avons besoin d’être unis. Et nous allons faire progresser la rigueur et les compétences de nos outils communs, comme l’interprofession.
Yann Kerveno