Lune de “f’iel” [par Jean-Paul Pelras]
Ce qui est ennuyeux parfois avec les modes, c’est qu’elles s’imposent durablement. Le wokisme pourrait, à ce titre, s’installer insidieusement et très rapidement dans notre quotidien. Ses adeptes “éveillés” utilisent, osons le terme, “le culte de la persécution” pour promouvoir leurs idéologies afin de dénoncer toutes les formes d’injustices subies par les minorités, qu’elles soient sexuelles, ethniques ou, entre autres, religieuses. Parmi les ambassadeurs (et ambassadrices) de cette tendance importée des États-Unis, nous retrouvons bien entendu Sandrine Rousseau, écoféministe et présidente du “Conseil politique” de Yannick Jadot pour la campagne des présidentielles.
Évidemment, pour celui qui vient de passer une journée dans les champs, dans son atelier, à l’usine, au bureau ou sur un chantier, le rôle genré, la masculinité toxique, la grossophobie, le validisme, la transphobie, le décolonialisme, l’écriture inclusive ou, entres autres subtilités, le misandrisme d’Alice Coffin, porte-parole de Rousseau lors des primaires écolos, ne relèvent, bien souvent, d’aucune priorité. Tout simplement car ces théories sont celles de ceux qui n’ont rien d’autre à faire, intellectuels en mal de notoriété et autres bobos vaguement gauchisants et verdoyants, enfants gâtés d’un système qui les a comblés jusqu’à l’ennui.
Et pourtant, ceux dont les préoccupations sont “égoïstement” et bassement matérialistes devront peut-être, dans les années à venir, adapter leur modus vivendi aux caprices de quelques politiciens déconstruits et, bien évidemment, progressistes. Dernière preuve en date, le (jusqu’ici) très respectueux dictionnaire Le Robert qui vient d’insérer dans sa version en ligne le pronom “iel”, contraction de “il” et “elle” permettant de désigner des personnes sans genre. Lesquelles revendiquent parfois un statut non binaire ou un “genre fluide” allant même jusqu’à ne pas vouloir donner de prénom masculin ou féminin à leurs enfants pour qu’ils puissent, plus tard, définir eux même leurs choix.
“Ici les jumelleaux étaient toustes belleaux”
Pour essayer de comprendre ce que pourrait devenir la langue française le jour où le woke aura, pardon pour l’expression, colonisé nos discussions, il faut se transporter sur le site Divergenres “Organisme à but non lucratif qui a pour mission d’éduquer la population sur les réalités et les enjeux qui touchent la pluralité des genres…” Au chapitre “Nouvelle grammaire”, nous trouvons ces conjugaisons : au singulier : “iel s’en va à l’épicerie”. Au pluriel “illes font de l’exercice”. Pronoms complément pluriel “C’est pour elleux qu’iels ont discuté avec lui”. Déterminants possessifs “Iel a eu la visite de saon cousaine” ou encore, pami la multitude de déclinaisons évoquées “Ici les jumelleaux étaient toustes belleaux”, sans oublier “Iel était mignonx avec sa cravate et sa jupe”… À l’heure où la France, septième puissance mondiale, n’en déplaise à certains, figure en 23e place seulement au classement Pisa, évaluation internationale des connaissances des élèves de 15 ans, faut-il vraiment en rajouter une couche ? Alors que la relation entre la langue française et ceux qui sont censés l’étudier n’était déjà pas une lune de miel, doit-on, pour plaire à quelques esprits superficiels, la transformer ad vitam aeternam en lune de “f’iel” ?