Lettre d’adieu à Michel Onfray, candidat aux Européennes [par Jean-Paul Pelras]

Michel,
invité à intervenir à Uzès lors de l’Université d’été de Front Populaire, revue que tu as créée en 2020 avec Stéphane Simon et à laquelle j’apporte régulièrement ma contribution, concernant notamment l’agriculture et la ruralité, retenu sur l’Aubrac, je n’ai pu participer à cet évènement. Consécutivement à ces rencontres, tu viens d’annoncer sur Sud Radio que Front Populaire présenterait une liste souverainiste lors des élections européennes de 2024. Une annonce largement relayée par la presse où tu considères qu’il s’agit d’un “devoir à l’égard de nos lecteurs et de nos sympathisants”. Tu dis : “On ne peut pas se contenter d’analyses fines, techniques, de qualité (…) et d’être négatifs. (…) Nous pouvons constituer une espèce de conseil politique avec tous ces gens qui sont intervenus ou qui interviennent encore. On a là de quoi faire un gouvernement, c’est évident”.

Ah bon ! Quelque peu surpris par ce “recrutement”, sache, pour commencer, que je ne serai pas de l’aventure. Les embarcations politiciennes n’étant pas réputées étanches et ne sachant pas nager en eaux troubles, je préfère rester sur mes arpents terriens. Et je t’adresse, d’un modeste paysan écrivain à un éminent philosophe, cette petite remarque : il vaut mieux marcher seul avec une pensée personnelle qu’on ne le ferait en compagnie de milliers d’individus et une pensée unique.
N’étant pas un homme sandwich, je décline toute forme d’appartenance partisane et me contente d’observer les circonvolutions du pouvoir et de ses soupirants. D’autre part, non content de vouloir entrainer dans ton sillage quelques compagnons de route, c’est à se demander ce que tu vas chercher dans cette galère, toi le souverainiste qui, de surcroît, se vante de ne jamais voter, toi l’anti-maastrichtien, qui veut désormais postuler au suffrage européen après avoir passé des années à dénoncer l’hégémonie bruxelloise.

Tu as également précisé : “Je suis prêt à être sur une liste souverainiste aux Européennes et il se peut que je sois tête de liste. (…) Mais si je suis élu, mon premier geste sera de renoncer au poste et de le céder au numéro 2 de la liste, qui prendra ma place et qui sera forcément une femme.” Et voilà qu’advient le temps des petites combinaisons. Celles qui, inévitablement, se négocient en amont dans l’entre soi de quelques rencontres lutéciennes. La philosophie est, à ce titre, un bien grand mot et les philosophes feraient mieux de passer directement à la politique plutôt que de s’égarer dans les nuances soi-disant intellectuelles de quelques discours censés éclairer nos lanternes et orienter nos consciences.

Dans cette vie, il est vrai quelque peu rocambolesque, j’ai croisé pas mal de marchands, d’engrais et de matériel agricole lorsque j’étais paysan, puis de raisonnements lorsque je suis passé du côté des plumitifs. J’ai toujours su ce que les premiers voulaient me vendre car leurs fournitures m’ont permis de labourer, de faire pousser et de récolter ce que j’avais semé ou planté. Pour les seconds, ce fut un peu différent, car, à bien regarder, ils n’ont aucune notion ni de l’outil, ni du rendement. Je veux dire par là qu’ils n’ont, comme les politiques d’ailleurs, aucune obligation de résultat. Ils peuvent se tromper (ils se trompent souvent) et ils ne sont jamais sanctionnés dans les proportions qui devraient l’être comme le sont, lorsqu’ils déposent le bilan, paysans, artisans et commerçants.
Il serait donc bien prétentieux de croire, Michel, que ceux qui font commerce de leurs mots sont suffisamment qualifiés pour s’occuper des affaires des autres.

Je t’abandonne donc ici, sur la route de Bruxelles. Et je retourne, entre Pyrénées et Aubrac, terminer ce bout de chemin où je n’aurai peut-être pas toujours tout compris mais auquel je serai, du moins je le crois, resté fidèle.

2 réflexions sur “Lettre d’adieu à Michel Onfray, candidat aux Européennes [par Jean-Paul Pelras]

  • 6 septembre 2022 à 20 h 27 min
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    Bravo Jean-Paul. La place d’un anti-maastrichtien philosophe de surcroît, n’est surement pas sur une liste politique.

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  • 18 août 2023 à 19 h 11 min
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    Quand on veut changer les choses il faut suivre les canaux démocratiques!
    Michel Onfray a raison il faut défendre ses idées la ou l’on peut être efficace pour le bien que l’on pense commun

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