Lettre à Jérôme Cahuzac (ministre repenti) [par Jean-Paul Pelras]

Monsieur,
en parcourant la presse dominicale, entre la comparution devant le tribunal correctionnel d’Olivier Dussopt, ministre du Travail, à qui nous devons la très contestée réforme des retraites et un ministre de la Justice accusé, par cette même justice, de prise illégale d’intérêts, je lis, comme s’il s’agissait d’une petite résurrection miraculeuse : “Le retour de Jérôme Cahuzac”.
Rappelons que, ministre délégué au Budget de 2012 à 2013, sous l’ère d’un président se transportant en scooter, vous avez été, défendu par Dupond Moretti, condamné en 2018 pour fraude fiscale et blanchiment de fraude fiscale, à deux ans de prison ferme, sans passer, comme le commun des contribuables mortels, par la case prison, puisque vous vous êtes vu offert par ces mêmes contribuables un bracelet censé vous localiser. Rajoutons à ce petit présent de complaisance, deux ans avec sursis, cinq ans d’inéligibilité et 300 000 euros d’amende. Vous vous êtes ensuite éloigné vers la Corse pour exercer, autorisé par vos pairs, la médecine à l’hôpital de Bonifacio.

Et voilà que, de retour en Lot et Garonne, vous multipliez, épaulé par les membres de l’association “Les amis de Jérôme Cahuzac”, visites et autres réunions publiques. Le vent du retour en politique, bien qu’il ne s’agisse encore que d’une légère brise, semble souffler à nouveau pour vous qui avez été, tour a tour, conseiller général, maire de Villeneuve sur Lot, député et ministre, “socialiste” précisons-le. Et ce, même si je découvre dans la longue liste de vos démêlés judiciaires, une condamnation, en 2007, pour travail dissimulé. Vous auriez, en effet, employé une femme de ménage sans papiers moyennant 250 euros par mois pour 40 heures de travail (ce qui nous donne à la louche 6,25 € de l’heure). Détenteur d’un compte sur l’Île de Man crédité, soi-disant à votre insu, de 2,5 millions d’euros, puis figurant dans l’affaire des Panama Papers au sein d’une société offshore et, enfin, accusé d’avoir planqué un peu de grisbi chez les Helvètes, vous aviez peut-être, en bon “socialiste”, propriétaire, entre autres, d’un grand appartement rue de Breteuil à Lutèce et collectionneur de montres de luxe, les moyens de rétribuer un peu plus convenablement le petit personnel. Nonobstant cette négligence et l’amplitude qui sépare les idées du modus vivendi, vous avez donc reconnu au micro de France Inter, le 23 novembre dernier, répondant à une question sur votre éventuelle candidature à des élections : “Il est clair que je ne m’interdis rien”, avant de rajouter : “J’assume ce que j’ai fait, j’ai payé ma dette”.

Rappelons également qu’en 2013, quelques jours avant d’être auditionné par la justice, vous déclariez “Les yeux dans les yeux” sur BFMTV : “Je n’ai pas, je n’ai jamais eu de compte en Suisse. À aucun moment”. Pensez-vous réellement, toujours “les yeux dans les yeux” que, même si vous guettez en embuscade l’effondrement du gouvernement Borne, menacé par l’utilisation quelque peu abusive du 49-3 (19 et 26 motions de censures) et, de facto, une dissolution de l’Assemblée, votre place soit à nouveau dans quelques hémicycles français ? Certainement pas. Même si, depuis quelques années, la République nous a habitué au pardon de ceux qui ne le méritent pas.

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