Lettre à Fabien Roussel, communiste gastronome !
Monsieur,
n’étant pas particulièrement partisan de la politique que vous défendez, je suis d’autant plus à l’aise pour vous écrire aujourd’hui, afin d’approuver votre propos du 9 janvier dernier tenu dans l’émission « Dimanche en politique » sur France 3. Vous déclariez ce jour-là : « Un bon vin, une bonne viande, un bon fromage, pour moi c’est la gastronomie française… le meilleur moyen de la défendre c’est de permettre aux Français d’y avoir accès. » Bravo, oui bravo pour cette déclaration qui n’a rien d’extraordinaire certes, mais qui « ose » célébrer et promouvoir les bonnes choses de l’existence dans un contexte où la tristesse semble désormais envahir la France, à l’heure des steaks végétaux, des antispécistes, du wokisme, des végans, des végétaliens, des flexitariens, des misandrines castratrices et de toutes ces lubies qui font que le monde est, de toute évidence, en train de perdre ses quatre points cardinaux.
Tout comme nous distinguons avec clairvoyance ce que l’entre soi des sociétés de pacotille est en train de nous mijoter. Une cuistance des plus insipides à faire blêmir les mousquetaires de la casserole, à prohiber le magret, le fricandeau, la blanquette de veau et, entres autres mets persillés, le filet mignon aux giroles…
Dans la lancée de mes correspondances hebdomadaires j’écrivais, voici quelques mois, à Gérard Depardieu en évoquant un petit restaurant de campagne situé sur l’Aubrac où l’on a accès au « bon » comme vous le défendez : « Sur la table, du pâté de tête, un saucisson, une salade du jardin, une omelette aux cèpes, des œufs mimosa, des farçous, une entrecôte qui cède à la pointe du couteau, une truffade ou un aligot, un morceau de laguiole, un autre de cantal, la tarte maison ou le panier de fruit, le jaja local ou celui qui vient du Midi… Vous l’aurez compris, ici pas de créations extravagantes, pas de tambouille décorative, de nappes damassées, de verres à moitié pleins, d’assiettes rectangulaires qui vantent le palais du chaland et l’ego de son chéquier. Parce que de côté-ci de l’existence on déplume, on dépiaute, on émince, on farcit, on déglace, on assaisonne, on dégorge, on réduit, et on laisse mijoter sans jamais plaisanter avec l’art d’accommoder la vie… »
C’est cette France-là, monsieur Roussel, que nous aimons, de toute évidence, l’un et l’autre. Cette France qui vous est reprochée par une certaine gauche bobo-écolo. Celle qui n’a pas compris pourquoi, le temps d’une interview dominicale, vous avez laissé la faucille et le marteau de côté afin d’évoquer, ce qui n’est pas incompatible j’en conviens, la fourchette et le couteau.
Commençons par Sandrine Rousseau, conseillère de Jadot, qui twitte spontanément : « Le couscous, plat préféré des Français ! » Un autre tweet, posté par un nommé Jannnanas et repris en boucle par de nombreux médias, indique : « Faites avancer la gauche au lieu de faire des appels du pied à la droite identitaire. » Et d’autres encore : « À une époque, le PCF représentait quelque chose, luttait pour un idéal, vraiment, je crois que c’est terminé » ou « Je ne bois pas. Je suis végétarien. J’espère que je ne suis pas l’anti-France. » …
Mais que vous reproche-t-on au juste si ce n’est d’aimer, la viande, le vin, le fromage, la gastronomie, notre pays. Si ce n’est, avec l’allusion de Rousseau au couscous, de ne pas être suffisamment multiculturel. Et, avec l’allusion à la droite identitaire, de vous être fourvoyé dans le « péché mortel ».
Allons-nous, monsieur Roussel, laisser la France à ces gens-là ? Allons-nous laisser notre pays à ceux qui stigmatisent tout quand, nourris au jus de kiwi, ils veulent aseptiser la pensée en commençant par vider nos estomacs ?
En fermant les bars avant de trier ceux qui les fréquentent, celui qui veut emmerder une partie des Français avait déjà instauré le couvre-feu d’opinion. Et voilà que d’autres, auxquels vous vous êtes parfois malheureusement associé dans vos coalitions verdoyantes, veulent tirer un trait sur nos traditions, car « iels » refusent l’histoire d’où nous provenons.
A bien y regarder, il ne faut vraiment rien avoir d’autre à faire et à proposer pour aller chercher dans les assiettes de quoi diviser une société. Alors que, vous en conviendrez, c’est dans le mélange des goûts et des couleurs que l’on trouve de quoi la faire évoluer.
Jean-Paul Pelras