Lettre au maire de Lugdunum (Lyon) et à Xavier Niel (Lutèce) (Par Jean-Paul Pelras)

MESSIEURS,
ému par vos engagements respectifs, l’un visant à imposer un menu végétarien dans les cantines et l’autre s’apprêtant à ouvrir la plus grande école d’agriculture au monde, je me permets cette modeste bafouille qui, je l’espère, ne viendra pas brusquer vos généreuses sensibilités. Pour ce qui est du menu végétarien, l’initiative me paraît bien téméraire, pour ne pas dire désespérée, au pays de la rosette, de la quenelle, du saucisson brioché et de tous ces vagabondages salivaires qui font la fierté d’une ville où se côtoient embaumeurs de talents et autres “chairs-cuitiers” disciples d’Apicius ou de Rabelais. Qu’il vous soit permis, monsieur le maire, d’accommoder votre modus vivendi aux sauces que vous privilégiez, me semble tenir de la plus élémentaire démocratie. Mais qu’en revanche, vous souhaitiez influencer les papilles des jeunes générations relève à mon sens d’une grande ineptie. La viande que vous semblez diaboliser en évoquant quelques contraintes inhérentes à la pandémie est indissociable de ce repas gastronomique classé en 2010 au Patrimoine immatériel de l’Humanité. Imaginez ce trésor de reconnaissance privé de ses bavettes, de ses aloyaux, de ses ris de veau, de son magret, de sa blanquette, de ses aiguillettes, de ses tournedos. Que deviendraient truffes, morilles, pleurotes et girolles si, demain, elles ne pouvaient plus accompagner paupiettes ou gigot d’agneau ? Cette brèche que vous venez d’ouvrir sera probablement exploitée par le dogme végan et par quelques élus politiquement verdoyants. Peu appréciée par les éleveurs, elle remet en question la liberté de nous sustenter comme nous le souhaitons. Les élus de la République doivent-ils, à ce titre, imposer, comme le font certaines religions, un régime, un carême, une diète, un jeune car ils jugent que tel ou tel aliment ne correspond pas au bon équilibre idéologique de ce que nous consommons ? La question est posée. Elle emprunte aux fondamentaux de notre société.

Évoquons à présent Xavier Niel, patron de l’opérateur téléphonique Free et gendre de Bernard Arnault, lui-même détenteur de quelques solides capitaux. Vous allez donc, cher monsieur, en vallée de Chevreuse dès septembre, dans ce château dont vous avez fait l’acquisition moyennant 18,4 millions d’euros, ouvrir gratuitement une école d’agriculture baptisée “Hectar”. Pour mener à bien, avec cette philanthropie qui vous caractérise, ladite entreprise, vous serez secondé par Audrey Bourolleau, ancienne déléguée générale du lobbie Vins et Société et, accessoirement, conseillère à l’Agriculture d’Emmanuel Macron. Étrange regain d’intérêt pour le monde paysan, alors que vous venez de créer “Les nouveaux fermiers” pour y fabriquer du steak végan. Précisons que, hasard du calendrier peut-être, le journal Le Monde, dont vous êtes propriétaire, vient de publier un article intitulé “Non, il n’est pas indispensable de manger de la viande pour être en bonne santé”
La part du budget des ménages réservé à la consommation serait-il, avec seulement 14 % désormais contre 45 % au lendemain de la guerre, encore trop important ? Faut-il le diminuer en suggérant ou en imposant, par connaissances interposées, quelques rationnements sur l’entrecôte et le faux filet ? Et ce, afin de récupérer ailleurs et pourquoi pas sur le marché florissant des nouvelles technologies, quelques complémentaires prébendes ou lucratives royalties ? Là encore, la question est posée qui braconne cette fois-ci aux limites de l’hégémonie.

2 réflexions sur “Lettre au maire de Lugdunum (Lyon) et à Xavier Niel (Lutèce) (Par Jean-Paul Pelras)

  • 3 mars 2021 à 18 h 48 min
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    J’ Espère que son école ne sera pas lié à l’antroposophie les propriétés viticoles de Bernard Arnault sont en biodynamie !!!

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  • 4 mars 2021 à 14 h 44 min
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    Monsieur Pelras, je vous soutiens totalement ! Monsieur le maire de Lyon a pris une décision arbitraire en invoquant une fausse raison, ceci dans le but de respecter ses propres idéologies au détriment de la liberté d’autrui, et d’amener progressivement les parents des petits écoliers lyonnais à accepter en 2022, un menu vegan dans toutes les cantines scolaires de la ville ! Le maire de Lyon décide seul ! Pourtant, n’oublions pas qu’il est très loin de représenter la majorité des habitants de la ville puisqu’il a été élu avec 53 % des votes qui eux-même se sont limités à 38 % des inscrits. Il ne devrait pas oublier qu’il a bénéficié de circonstances particulières dues à la pandémie et qu’en d’autres temps, il n’aurait certainement pas été nommé maire de Lyon.
    Il y a dans sa décision une pointe à peine déguisée de pouvoir autoritaire. Monsieur le maire, en charge de la nourriture quotidienne des ecoliers que les parents paient, devrait se mettre à l’écoute des dits parents tout en gardant ce qui fait la richesse de notre ville, ses us et coutumes et sa gastronomie !

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