Lettre à Daniel Schneidermann, journaliste à Libération, à propos du héros d’Annecy (Par Jean-Paul Pelras)

Monsieur,

vous avez, le 9 juin dernier, publié dans Libération une chronique intitulée « Henri d’Arc, un héros chez Bolloré » Faisant référence à Henri D’Anselme qui a tenté de stopper l’assaillant d’Annecy, vous avez ironisé sur les propos tenus par ce jeune homme de 24 ans invité par Pascal Praud sur CNews.

En évoquant sa foi, vous écrivez : « Sur le plateau de la chaîne du catho-tradi Bolloré passe une sorte de frisson incrédule, un souffle de grâce devant tant de fraicheur et de sincérité, quelque chose comme « c’est trop beau pour être vrai ».  On y reconnaîtrait presque, sept siècles plus tard la méfiance des interrogateurs de Jeanne d’Arc devant les ruses du Malin : saint authentique ? Imposteur ? »  

Poursuivant votre prêche et convertissant une question de Pascal Praud, vous traduisez librement : « En termes profanes Henri, avez-vous vu la Vierge ? Entendu des voix ? » Et puis, considérant l’indignation suscitée par votre chronique, vous twittez presque in petto : « Avis à tous les shitstormeurs qui n’ont pas lu ce texte : il n’y a pas un mot désagréable sur Henri, dont la réaction à Annecy suscite mon admiration. Le sujet, ce sont les vautours bolloréens et zemmouroïdes qui tournent autour de lui. »

Précisons que j’ai lu le texte et ne peut donc être considéré comme étant un inconditionnel du shit-storm, comprenez « tempête de merde ». Et poursuivons avec le directeur général de Libération, Denis Olivennes, qui publie dans la foulée : « Les opinions de Daniel Schneidermann n’engagent que lui. Pas de censure à Libé. Moi personnellement, n’étant pas sûr d’avoir 1/10e du courage de ce jeune Henri et n’ayant jamais rien fait d’héroïque, je me garderai bien de le railler. Mieux, j’ai une profonde admiration pour lui. »

Ceci étant dit, transportons-nous à présent dans un autre square, un espace public de votre choix, un théâtre, une plage, une terrasse de bistrot, un cinéma…. Et imaginons ce scénario : Un criminel, car il faut bien employer les mots qui conviennent, surgit, équipé d’une machette, d’un surin, d’une escopette et s’apprête à vous occire comme le fit, plongeant son arme dans les landaus, le bourreau d’Annecy. A ce moment-là, un homme, (saint authentique ou imposteur …), s’interpose pour maîtriser l’agresseur et, de facto, vous sauver la vie. Parce que son obédience politique, sa confession religieuse, sa nationalité, ses origines, ses idées ne vous conviennent pas, allez-vous lui conseiller de passer son chemin en attendant qu’un autre péquin, au profil plus adéquat, vienne désarmer le dit malandrin ?

Car, même si vous reconnaissez « n’avoir pas eu de mot désagréable pour Henri » auquel vous prêtez d’emblée le nom d’une célèbre pucelle, le raccourci interpelle là où le lazzi politicien fraye forcement en apostille du « bien ».

Que ferions-nous, monsieur Schneidermann, sans les prédicateurs de votre acabit ? Ceux qui s’interposent entre le courage et la théologie avec une appréciation à géométrie variable dès qu’il s’agit d’influencer les esprits. Et qu’auriez vous fait, oui, en définitive, qu’auriez-vous fait à la place d’Henri ? C’est peut-être autour de cette question que vous devriez disserter dans les colonnes de Libé. Avant de vous vautrer dans les eaux basses d’une chronique qui brocarde un héros, de surcroît, sacrilège suprême, affublé sur sa manche d’un petit drapeau français, pour désigner, en abusant des « voix » détournées, ce et ceux que vous détestez.

 Jean-Paul Pelras

(Photo Illustration Himsan – Pixabay)

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