L’État, les écolos, les juges et les paysans [par Jean-Paul Pelras]

Ben sûr, il y avait beaucoup de monde ce soir-là à Saint-Estève. Des agriculteurs, des députés, des sénateurs, les représentants du Département, ceux de la Région. Ne manquait que l’État, celui-là même qui est censé être partout. Excusé, le préfet aurait pu déléguer. Il ne l’a pas fait. Préférant probablement s’en tenir à cette dérogation publiée, comme par hasard, le matin même. Une dérogation qui, après analyse (voir articles et tableaux pages 4 et 5), n’est pas acceptable pour le monde agricole puisqu’il ne reste que 400 litres/secondes, contre 600 précédemment. Et ce, même si, bien sûr, elle satisfait, en partie, France Nature Environnement sans l’aval de qui, de toute évidence, plus aucune décision ne peut être prise concernant l’irrigation dans les Pyrénées-Orientales.

Nous en sommes là, avec des visiteurs du soir qui se réunissent en préfecture pour essayer de contourner les écueils du dogme écologiste, alors que l’agriculteur devra peut-être, dans les semaines à venir, se résoudre à perdre ses productions. Inédit dans l’histoire agricole de ce département, inacceptable, révoltant !
Alors, il faut répondre. Oui, il faut répondre, avec la pression et l’action syndicale, cela va de soi, mais également en utilisant tous les leviers juridiques disponibles. C’est sur ce terrain-là, celui que les environnementalistes affectionnent particulièrement, que les responsables professionnels, syndicaux et consulaires doivent se transporter sans délai. Ils doivent faire valoir devant les tribunaux les préjudices professionnels, économiques, sociaux, familiaux et même psychologiques qu’ils subissent consécutivement aux dogmes imposés à l’agriculture française.

Ce n’est pas à une guerre de l’eau que nous assistons, mais à une guerre d’opinions

Car qui sont ces gens qui, parce qu’ils ont la loi de leur côté, s’amusent à détruire des vies, à ruiner des entreprises, alors que leur seul souci est de faire pousser des lentilles dans un bocal et 4 pensées sur un balcon ?
Et jusqu’où l’absurdité de certaines situations peut nous mener quand on sait que, par exemple, si 1 000 litres/seconde, au lieu des 2 000 imposés par la loi, n’avaient pas été lâchés cet hiver dans la Têt, nous aurions pu stocker, en amont du barrage de Vinça, 16 millions de mètres cubes. Soit les trois quarts de sa capacité au lieu des 8 millions dont il dispose actuellement.

Seulement voilà, les agriculteurs ont perdu la main sur le terrain des enjeux sociétaux. Car, à bien regarder, ce n’est pas à une guerre de l’eau que nous assistons, mais à une guerre d’opinions. Avec d’un côté, ceux qui doivent irriguer pour pouvoir vivre de leur métier et, de l’autre, ceux dont le seul fonds de commerce consiste à les en empêcher.
“Si les vieux revenaient…”, combien de fois entendons nous cette phrase dans nos campagnes où chaque agriculteur observe cette situation avec résignation ou indignation. Oui, bien sûr, si les vieux revenaient, l’affaire serait réglée en quelques minutes et elle n’aurait d’ailleurs jamais eu le temps d’affleurer. Seulement voilà, les vieux ne sont plus parmi nous et ceux qui leur ont succédé commencent à avoir mal aux épaules et aux genoux. Reste la relève, les jeunes, le panache, la conviction, la détermination et la dignité. Autrement dit tout ce qui peut encore faire bouger les lignes, influencer les décisions, imposer le respect.

Pour tout cela, la loi doit changer de camp et migrer de celui des écologistes vers celui des paysans. Quant au syndicalisme, il doit, sans délai, dans les bureaux comme sur le pavé, renouer avec les fondamentaux qui lui confèrent toute ses raisons d’exister.

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