Inflation : double peine pour les ruraux [par Jean-Paul Pelras]

Le discours officiel, celui des gouvernements successifs, prône une revitalisation des zones rurales. Dans les faits, nous nous en éloignons pourtant de jour en jour. La liste est longue, les causes sont multifactorielles et les conséquences de plus en plus perceptibles au sein des territoires. Tout d’abord avec l’agriculture, qui porte les stigmates d’un abandon programmé et subit de plein fouet le recul des installations, l’inexorable extension des friches, les pertes de revenus, les baisses de rendement imputables aux aléas climatiques, la stigmatisation d’une partie de la population et le dogme de plus en plus prégnant des contraintes environnementales qui en découlent.

Arrive ensuite en bonne place le coût des carburants qui impacte bien évidemment l’agriculteur, mais également l’ensemble des ruraux. Lesquels doivent circuler pour travailler et effectuer les achats du quotidien, se soigner en se rendant chez le médecin qui exerce de plus en plus loin, se transporter dans les administrations qui ferment les unes derrière les autres et pouvoir prétendre, dans la mesure du possible, à une vie sociale et culturelle.
Le moyen de transport le plus plébiscité par les ruraux demeure bien évidemment la voiture alors qu’elle est utilisée par seulement 34 % des Parisiens. Le transport en commun n’étant pas, quoi qu’il en coûte aux collectivités territoriales et, de facto, au contribuable, adapté aux horaires et à l’isolement.

Pour pouvoir vivre à la campagne les ruraux doivent rouler

Beaucoup d’écarts, de hameaux, de communes, ne disposent pas du maillage qui leur permet, à l’instar des citadins, de se déplacer spontanément en fonction de leurs besoins et de leur situation géographique. Pour pouvoir vivre à la campagne, les ruraux doivent rouler. Ils n’ont aucune autre alternative. Et effectuer, plusieurs fois par jour et par n’importe quel temps, des dizaines de kilomètres.
Une réalité que les décideurs n’ont jamais intégrée. Résultat des courses, la hausse du prix des carburants suscite inquiétude et colère dans nos campagnes où cette énième différence de traitement avec la ville est perçue comme une injustice, comme une taxe supplémentaire qu’il faut acquitter au sens propre comme au sens figuré.

Arrive ensuite, à marche forcée, la suppression des chaudières au fioul qui, à partir de 2022 et lorsqu’elles ne fonctionneront plus, devront être remplacées par des moyens de chauffage plus coûteux et souvent inadaptés aux logements ruraux et isolés. Sans oublier la dématérialisation adossée au télétravail, censée réduire les déplacements. Une tendance qui suscite, paradoxalement, la fermeture de nombreuses administrations et services, alors que beaucoup trop de zones blanches nous laissent encore sans Internet. Alors que, concernant la téléphonie mobile, il faut, pour joindre son interlocuteur, se rendre sous le clocher de l’église, se transporter jusqu’au village d’à côté ou sortir sur la terrasse à condition de ne pas trop bouger.

La campagne, telle que beaucoup l’idéalisent depuis les tours climatisées de Lutèce, n’est pas cette variable d’ajustement traditionnellement prête à tout accepter. Isolée au bout de cette route où elle contribue au maintien des territoires qui font un pays, un département, une région, elle ne doit en aucun cas payer, de surcroit, le prix de son abandon.

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